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Actualité 27 mars 2017

[Presse] Brexit : le temps d’agir pour les fonds d’investissement alternatifs immobiliers (FIA)

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[Presse] Brexit : le temps d’agir pour les fonds d’investissement alternatifs immobiliers (FIA)

par Silke Nadolni, Avocat Associé, Responsable du département immobilier

La Grande-Bretagne s’est finalement décidée pour un Brexit « dur ». Annoncée par Theresa May, premier ministre britannique, le 17 janvier et approuvé par le Parlement, la notification de sortie de l’Union Européenne au titre de l’article 50 du traité de Lisbonne devrait être effectuée avant fin mars 2017. S’ouvrira alors un délai d’une durée maximale de deux ans pour concrétiser la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union Européenne. Quelles conséquences pour les « fonds anglais bénéficiant actuellement des règles de la directive AIFM » ? Silke Nadolni, avocate associée chez LPA-CGR avocats dresse un bilan…

L’une des premières conséquences : les directives européennes, destinées à unifier le droit et simplifier les échanges entre les pays membres, ne lieront plus la Grande-Bretagne et ne devront plus être transposées en droit anglais. Pourtant, tel est encore le cas à l’heure actuelle.

Tel est notamment le cas pour la directive Européenne 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs ( » directive AIFM « ). Pour rappel, cette directive avait été adoptée à la suite de la crise des  » subprimes  » pour renforcer la protection des investisseurs et des épargnants, mais également pour faciliter la gestion de fonds d’investissements alternatifs (FIA) par des sociétés de gestion d’un autre pays membre de l’UE que du lieu d’établissement du FIA, ainsi que la commercialisation de FIA dans tous les Etats membres.

La directive AIFM a été transposée en Grande-Bretagne le 22 juillet 2013, en France quelques jours plus tard, par l’ordonnance 2013-676 publiée au  » Journal Officiel  » du 27 juillet 2013. Qu’impliquera le Brexit pour les fonds anglais bénéficiant actuellement des règles de la directive AIFM ?

1. Rappel des règles issues de la directive AIFM

La directive AIFM s’applique aux fonds d’investissement alternatifs, dits  » FIA « , définis comme :

• levant des capitaux auprès d’un certain nombre d’investisseurs en vue de les investir, dans l’intérêt de ces investisseurs, conformément à une politique d’investissement que ces FIA ou leurs sociétés de gestion définissent ; et

• n’étant pas des OPCVM ; et

• étant des fonds dont les porteurs de parts ou actionnaires — en tant que groupe collectif — n’exercent pas de pouvoir discrétionnaire sur les opérations courantes.

A titre d’exemple, les OPCI, OPPCI et les SCPI sont des FIA, bénéficiant de la directive AIFM et de sa transposition en droit français.

La directive AIFM offre en particulier aux sociétés de gestion agréées la possibilité de bénéficier de passeports européens dits de gestion et de commercialisation :

a) Le passeport gestion

Le passeport  » gestion  » permet à un gestionnaire agréé et établi dans un pays de l’Union Européenne d’établir et de gérer un FIA dans un autre Etat membre de l’UE.

Les modalités pour bénéficier du passeport européen de gestion sont simples.

– En libre prestation de services : la société de gestion peut exercer ses activités dans un autre Etat membre de l’UE, par demande à son autorité de tutelle, en l’occurrence la Financial Conduct Authority (FCA), qui devra en informer son équivalent français, à savoir l’Autorité des Marchés Financiers (AMF).

– En libre établissement : la société de gestion peut librement installer une succursale ou filiale dans un autre État membre de l’UE.

En outre, pour occuper des fonctions de dirigeant d’une société française, tout ressortissant de l’Union Européenne doit uniquement produire une copie de sa carte d’identité.

Aucun nouvel agrément n’est donc requis.

b) Le passeport commercialisation 

Le passeport  » commercialisation  » permet, quant à lui, à un gestionnaire agréé et établi dans un pays de l’UE de commercialiser les parts d’un FIA qu’il gère dans un autre Etat membre.

Pour la commercialisation de FIA à des investisseurs professionnels, la procédure est simple : la société de gestion doit informer son autorité de tutelle (la Financial Conduct Authority) de sa volonté de commercialiser un fonds sous gestion en France. La FCA le notifiera alors à l’AMF – sous réserve de présenter un dossier complet, la commercialisation du fonds sous gestion de la société de gestion britannique peut commencer en France. Une procédure extrêmement simple donc.

Pour la commercialisation de FIA à des investisseurs non professionnels, la directive AIFM permet aux Etats membres d’imposer aux gestionnaires ou aux FIA des exigences plus strictes que celle qui sont applicables aux FIA commercialisés auprès de clients professionnels. Le règlement général de l’AMF soumet ainsi la commercialisation auprès de clients non-professionnels à une autorisation préalable délivrée par l’AMF. Cette autorisation est subordonnée à l’existence d’un instrument d’échange d’information et d’assistance mutuelle, ainsi que d’une convention de reconnaissance mutuelle fixant les exigences particulières applicables à l’agrément des sociétés de gestion ou gestionnaires de FIA pouvant être commercialisés auprès de clients non professionnels. Même si ce processus est plus lourd que pour les investisseurs professionnels, il est néanmoins prévu par la directive AIFM et les règles françaises la transposant.

2. Conséquences du Brexit

Avec la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union Européenne, la directive AIFM n’y sera plus applicable. Même si elle demeurera transposée en droit anglais au moment de la sortie de la Grande-Bretagne, les FIA britanniques ne bénéficieront plus des règles de reconnaissance et de libre établissement telles que décrites ci-dessus en France.

Or, l’une des pierres angulaires de la sécurité juridique est la non rétroactivité des lois. L’article 2 du Code Civil pose le principe :  » la loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif « .

En vertu de ce principe fondamental, il sera difficile de revenir sur des situations créées aujourd’hui, sur la base de la loi existante.

Ainsi, les succursales ou filiales de FIA qui seraient constituées aujourd’hui, préalablement à la transposition juridique de la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union Européenne, pourraient difficilement être supprimées par la loi française sous prétexte du Brexit.

Il est plutôt vraisemblable que toute nouvelle règle régira les situations nouvelles, mais n’abolira pas les existantes.

Il est certain qu’après la prise d’effet du Brexit, la reconnaissance des FIA britanniques et leur commercialisation sur le sol français seront bien plus compliquées qu’elles ne le sont aujourd’hui. S’il est possible que la Grande-Bretagne bénéficie d’un régime à part, par exemple sur recommandation de l’ESMA comme pour Jersey, Guernesey et la Suisse, pour bénéficier du régime du passeport européen, il est certain que la transposition prendra du temps.

A noter également qu’après transposition du Brexit, les ressortissants britanniques seront soumis à des contraintes lourdes pour diriger des sociétés françaises. Ils seront alors soumis à l’obligation de produire soit une carte de séjour temporaire pour un an qui suppose une activité non salariée économiquement viable permettant de tirer des moyens d’existence suffisants ou pluriannuelle pour quatre ans reprenant ce même critère, soit une carte de résident de 10 ans généralement accordée pour attaches familiales, des services rendus à la France ou à l’issue des cartes de séjours temporaires, voire une carte de séjour pour talents.

Compte tenu des incertitudes qui règnent sur le calendrier et les éventuelles mesures spécifiques à la Grande-Bretagne qui pourraient être adoptées, il est temps d’agir pour s’établir en France et, ainsi, pouvoir bénéficier de cet acquis plus tard.

Initialement publié par Immoweek, cet article est également consultable sur le site immoweek.fr