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Smart Alert COVID-19 | Hong Kong | COVID-19 et restrictions de déplacements en France : impacts fiscaux sur les entreprises étrangères

25 mai 2020

Smart Alert COVID-19 | Hong Kong | COVID-19 et restrictions de déplacements en France : impacts fiscaux sur les entreprises étrangères

La pandémie de COVID-19 a contraint les gouvernements de nombreux Etats à prendre des mesures restreignant la liberté de circulation et, dans ce contexte, certains dirigeants ou salariés d’entreprises étrangères se sont vus contraints de travailler en France pendant la période de confinement. Cette situation inédite pose la question de savoir si la durée de présence de ces dirigeants et salariés sur le territoire français serait de nature à créer un risque d’imposition en France de tout ou partie des revenus des sociétés étrangères en raison de la reconnaissance d’un établissement stable en France et/ou d’un déplacement involontaire de leur siège de direction effective sur le territoire français.

Sur le plan international, l’OCDE a apporté certains éclairages sur cette question par la publication le 3 avril 2020 de recommandations traitant entre autres de la reconnaissance d’établissements stables et de la notion de résidence fiscale dans le contexte de la pandémie COVID-19.

A titre de rappel, sur le fondement du principe de territorialité, les dispositions du droit interne français prévoient que toutes les entreprises exploitées en France y sont passibles de l’impôt sur les sociétés (article 209-I du Code Général des impôts).

S’agissant des entreprises étrangères, la quasi-totalité des conventions fiscales internationales, signées par la France et qui prévalent sur le droit interne, permettent à la France soit, l’imposition de la totalité des bénéfices réalisée par les sociétés étrangères lorsque leur siège de direction effective se trouve en France (présumant d’une fictivité de ces sociétés à l’étranger) soit, l’imposition de la fraction des bénéfices, réalisée par les sociétés étrangères, via leur établissement stable situé en France.

Risque fiscal au regard de la reconnaissance d’un établissement stable en France ?

L’établissement stable, défini par les conventions fiscales internationales, désigne notamment :

  • une installation fixe d’affaires ayant un certain degré de permanence, dont dispose la société et par laquelle elle exerce tout ou partie de son activité ; ou
  • à défaut de véritable installation fixe d’affaires, un agent dépendant qui est habilité à conclure, de manière habituelle, des contrats au nom de la société pour laquelle il agit ou, en l’absence d’une habilitation expresse à conclure des contrats, qui joue habituellement le rôle principal menant à la conclusion de tels contrats par la société (s’agissant des conventions fiscales signées récemment par la France ou récemment amendées par la convention fiscale multilatérale – « MLI »).

Dans le cadre de ses recommandations, l’OCDE indique dans son rapport qu’eu égard au caractère exceptionnel de la crise du COVID-19 et sous réserve que le télétravail ne devienne pas la norme dans la durée, le télétravail par un salarié depuis son domicile (à savoir le cas où le bureau est situé à son domicile) ne constitue pas un établissement stable pour l’employeur (la société), soit parce que cette activité ne présente pas un degré suffisant de permanence ou de continuité, soit parce que l’employeur n’a pas réellement la disposition, ni le contrôle de ce « bureau ».

De la même façon, l’OCDE reconnait qu’il est peu probable que l’activité exercée dans un Etat donné par un salarié (ou un agent dépendant) d’une société étrangère habilité pour signer des contrats au nom de leur employeur ou dont l’activité est décisive dans la conclusion de tels contrats soit considérée comme suffisamment « habituelle » pour caractériser l’existence d’un établissement stable dans l’Etat en question, si la personne est contrainte de travailler à son domicile compte tenu des circonstances exceptionnelles liées à la pandémie du COVID-19.

Il convient toutefois de noter dans la formulation employée par l’OCDE que cette appréciation ne vaut que dans le contexte actuel de pandémie. Dès lors, si le télétravail effectué par le(s) salarié(s) de sociétés étrangères devait se poursuivre au-delà de la crise actuelle et après la levée des mesures de restrictions de circulation, les employeurs concernés pourraient alors faire face à un risque de reconnaissance d’établissement stable accru dans l’Etat d’où le(s) salarié(s) exerce(nt) leur activité.

Risque fiscal en raison du transfert de résidence fiscale en France ?  

En matière de fiscalité internationale, une société est considérée comme résidente fiscale de l’Etat dans lequel elle dispose de son siège de direction effective. Le siège de direction effective d’une société est le lieu où sont prises les décisions clés sur le plan de la gestion et sur le plan commercial et qui sont nécessaires à la conduite de ses activités dans son ensemble.

Ainsi, la question posée ici est celle d’un éventuel transfert en France du siège de direction effective d’une société étrangère du fait des restrictions de déplacements en France et de l’impossibilité de voyager au siège social étranger de directeurs généraux ou autres membres de l’équipe de direction.

Pour l’OCDE, les décisions prises dans un Etat par les équipes dirigeantes, liées aux restrictions de voyage, ne devraient pas engendrer de transfert du siège de direction effective et de la résidence fiscale de la société dans cet Etat. En effet, l’analyse de l’OCDE repose, ici encore, sur le fait que les contraintes liées au COVID-19 sont exceptionnelles et qu’elles ne devraient pas affecter l’appréciation du lieu où ces activités se tiennent généralement.

Il conviendra cependant de veiller, dans un contexte post-crise sanitaire, à ce que les membres des organes de directions des sociétés étrangères se réunissent et prennent leurs décisions stratégiques en dehors de France. A défaut, l’administration fiscale française pourrait être tentée de contester la résidence fiscale de ces sociétés étrangères et revendiquer l’existence d’un siège de direction effective sur le territoire français pour ainsi taxer leurs bénéfices en France.

Conclusion

Même si les recommandation formulées par l’OCDE permettent d’apporter un certain nombre d’éclaircissements qui sont bienvenus dans le contexte de la crise sanitaire actuelle, elles n’ont toutefois pas de caractère contraignant sur les Etats. Par ailleurs, ces recommandations ne portent que sur l’interprétation des conventions fiscales internationales conclues conformément au modèle OCDE.

Ainsi, la question du risque de reconnaissance d’un établissement stable en France demeure, à notre sens, pleine et entière pour les sociétés étrangères implantées dans les pays où les conventions fiscales signées avec la France contiennent des dispositions spécifiques au modèle conventionnel ONU (ex : Chine, Hong Kong, Singapour, etc.).

A ce titre, la convention fiscale France-Hong Kong du 21 octobre 2010, prévoit en effet, que même en l’absence d’installation fixe d’affaires ou d’agent dépendant, un établissement stable d’une société française ou hongkongaise peut également être constitué dans l’autre Etat du fait de la fourniture de services (par la société étrangère), pour une durée de plus de six mois. On pourra ainsi légitimement se demander, dans les circonstances actuelles, si la fourniture de prestations de services, par une société hongkongaise, sur le territoire français, prévue initialement pour une durée inférieure à six mois et étendue au-delà de cette période, en raison des restrictions de voyage liées au COVID-19, pourrait amener à la reconnaissance d’un établissement stable de la société hongkongaise en France.

Il est regrettable, afin d’assurer la sécurité juridique des entreprises en cette période délicate de restrictions et éviter les incertitudes liées aux obligations déclaratives et d’imposition y afférentes, que l’administration fiscale française n’ait pas encore, à ce jour précisé, sa position comme elle l’a fait récemment dans un communiqué concernant les personnes physiques. A noter par ailleurs que la position recommandée par l’OCDE a d’ores et déjà été retenue et publiée par certaines administrations étrangères comme les administrations fiscales irlandaise et australienne.