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Smart News | Droit de la construction et de l’urbanisme

 

Aurélie Dauger et Hélène Cloëz vous proposent de retrouver régulièrement une sélection de l’actualité légale et jurisprudentielle en droit de la construction et de l’urbanisme.

Droit de la construction

Du nouveau sur l’actualité jurisprudentielle : En marché privé, la procédure de décompte est fixée librement par les parties. Il n’y a pas lieu à sanction d’un dépassement de délai si celle-ci n’est pas prévue par le contrat

Cass., civ. 3ème, 25 mai 2022, n°21-15.736, publié au bulletin

Un marché privé prévoyait :

-un délai de 60 jours à compter de la réception pour la remise du mémoire définitif ;

-un délai de 45 jours à compter de la remise du mémoire définitif pour notification par le maître d’ouvrage du décompte définitif à défaut de quoi, le projet de décompte est réputé accepté par le maître d’ouvrage.

Ces délais n’ont été respectés ni par l’entreprise, ni par le maître d’ouvrage, cette dernière défaillance ayant conduit l’entreprise à assigner le maître d’ouvrage en paiement.

La Cour d’appel déboute l’entreprise considérant que celle-ci aurait dû notifier le mémoire définitif dans le délai fixé par le marché, et qu’à défaut de l’avoir fait, elle ne pouvait se prévaloir du dépassement du délai de 45 jours par le maître d’ouvrage.

Cette solution est censurée par la Cour de cassation, au visa de l’article 1134 (ancien) du Code civil : en l’absence de sanction contractuelle du non-respect par l’entreprise du délai pour la remise du mémoire définitif au maître d’œuvre et au maître d’ouvrage, la Cour d’appel ne pouvait se fonder sur ce dépassement pour sanctionner l’entreprise.

Cet arrêt est une nouvelle illustration du principe de la force obligatoire des conventions, le juge étant dans l’impossibilité d’aller au-delà des stipulations prévues par les parties, ce qui nécessite une attention particulière (i) lors de la rédaction des marchés et (ii) en fin de chantier, afin que les délais soient scrupuleusement respectés.

Ce que cela implique

Il est impératif d’associer une sanction à chaque délai prévu dans la procédure de décompte des marchés privés.

A défaut, le juge ne pourra tirer aucune conséquence du  non respect d’un délai.

Du nouveau sur l’actualité jurisprudentielle : La très large responsabilité de l’entrepreneur en cas de perte de l’ouvrage avant réception

Cass., civ. 3ème, 25 mai 2022, n°21-15.883, publié au bulletin

Cass., civ. 3ème, 25 mai 2022, n°21-18.098, publié au bulletin

L’article 1788 du Code civil pose un principe simple : lorsque l’entrepreneur fournit la matière et son industrie, il assume seul le risque de perte de l’ouvrage avant réception, à moins que le maître d’ouvrage n’ait été mis en demeure de le réceptionner.

Il est très difficile pour l’entrepreneur d’échapper à cette responsabilité, lourde de conséquences. La Cour de cassation vient de le rappeler dans deux espèces.

Dans le premier cas (21-15.883), la toiture et les planchers s’étaient effondrés à la suite d’un orage de grêle. L’entrepreneur a tenté de mobiliser l’assurance tous risques chantier, estimant que l’article 1788 du Code civil n’était pas applicable faute de destruction complète de l’ouvrage. La Cour de cassation considère cet argument inopérant: cet article est applicable dès lors qu’il y a eu destruction, même d’une partie de l’ouvrage avant réception. On peut y voir un revirement de la jurisprudence issue de l’arrêt du 16 septembre 2015 (14-20.392) dans lequel la Cour avait posé comme condition à l’application de l’article 1788 la preuve la perte de l’ouvrage caractérisée par l’impossibilité de reprendre les travaux.

La seconde espèce (21-18.098), relative à un incendie survenu avant travaux, nous apprend par ailleurs que la responsabilité de l’entrepreneur au titre de l’article 1788 DU Code civil s’applique hors de toute considération de faute de sa part, et même si la perte de l’ouvrage est due à un cas de force majeure. Ainsi, dès lors que l’ouvrage a péri avant la réception, la perte en est pour l’entrepreneur, qui peut être tenu à ce titre de restituer les acomptes perçus pendant le chantier.

Ce que cela implique

La possibilité d’obtenir en référé provision la restitution des sommes versées à l’entrepreneur, en cas de perte de l’ouvrage avant réception, quelle que soit la cause de cette perte, est très favorable aux maîtres de l’ouvrage.

C’est une sécurité supplémentaire alors que la stipulation d’une garantie bancaire de bonne fin dans les marchés peut s’avérer difficile à obtenir.

Du nouveau sur l’actualité jurisprudentielle : Prudence, l’assuré DO doit permettre à son assureur de se retourner contre les responsables

Cass., civ. 3ème , 25 mai 2022, n°21-18.518

La Cour fait une application stricte de l’exception de subrogation (article L. 212-12 alinéa 2 du Code des assurances), principe selon lequel l’assureur est déchargé de sa responsabilité à l’égard de l’assuré lorsque par sa faute, il n’est pas en mesure d’agir contre les responsables des sinistres,

En l’espèce, l’assuré avait déclaré son sinistre en 2012 et assigné son assureur en référé expertise le 11 mars 2014, 10 ans et un mois après la réception,

Si cette assignation tardive n’est pas, par principe, impossible envers l’assureur DO, elle lui ferme des recours ce qui avait conduit l’assureur DO à opposer cette exception,

L’argument de l’assuré consistait à dire que l’assureur pouvait anticiper sa propre mise en cause et agir contre les constructeurs dès lors qu’il (i) maintenait ses réclamations après le refus de garantie et (ii) avait fait organiser une expertise amiable à laquelle l’assureur était convoqué.

Mais la Cour retient justement que :

-sans indemnisation, l’assureur n’est pas subrogé et ne peut pas agir à la place de l’assuré contre les responsables ;

-sans être assigné, l’assureur ne peut pas appeler les responsables en garantie.

La cour en déduit qu’il appartenait à l’assuré d’assigner son assureur dans un délai lui permettant de préserver ses recours contre les constructeurs.

Ce que cela implique

A titre de précaution, il faut privilégier l’assignation de l’assureur DO dans le délai décennal lorsque cela est possible,

Droit de l’urbanisme

Du nouveau sur la réglementation : Taxe d’aménagement et part logement de la redevance d’archéologie préventive

Ordonnance n° 2022-883 du 14 juin 2022 relative au transfert à la direction générale des finances publiques de la gestion de la taxe d’aménagement et de la part logement de la redevance d’archéologie préventive

Cette ordonnance est prise en application de l’article 155 de la loi de finances pour 2021.

Elle transfère à la direction générale des finances publiques (DGFIP) la gestion de la taxe d’aménagement et de la part logement de la redevance d’archéologie préventive et codifie les dispositions relatives aux taxes d’urbanisme au sein du code général des impôts et du livre de procédure fiscale.

Elle renomme également la part logement de la redevance d’archéologie préventive en taxe d’archéologie préventive.

L’ordonnance décale la date d’exigibilité de ces taxes d’urbanisme à la date d’achèvement des travaux afin de les rapprocher des autres impôts dont la DGFIP doit assurer le recouvrement.

Pour rappel, la loi de finances pour 2021 prévoit que le titre de perception de la taxe d’aménagement doit désormais être émis en deux fois : la première fois à compter de 90 jours après l’achèvement des travaux, et la seconde fois, six mois après l’émission du premier titre.

Cette réforme entrera en vigueur au plus tard le 1er janvier 2023.

Du nouveau sur la réglementation : Responsabilité sans faute d’une commune du fait de sa décision légale de préemption puis de renonciation à préempter

CE, 13 juin 2022, n°437160

Une société propriétaire d’un hôtel ayant fait l’objet d’une décision de préemption a engagé la responsabilité de la commune au motif que sa décision de préemption et sa renonciation ultérieure lui ont causé des dommages.

En effet, dans l’intervalle entre les décisions de préemption et de renonciation à préempter de la commune, des dégradations ont été constatés dans l’hôtel.

Le Conseil d’Etat a jugé que la société a subi, du fait des décisions de préemption et de renonciation de la commune, un préjudice grave, qui a revêtu un caractère spécial et doit être regardé comme excédant les aléas ou sujétions que doivent normalement supporter des vendeurs de terrains situés en zone urbaine.

La responsabilité sans faute de la commune est donc engagée du fait de ces décisions de la commune bien qu’elles soient légales.

Toutefois, la condamnation de la commune est réduite en raison de l’abstention de la société à faire assurer le gardiennage de son immeuble.