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Nous vous proposons de retrouver régulièrement une sélection de l’actualité légale et jurisprudentielle en droit social.

 

ACTUALITÉ

Création et mise en place du bulletin officiel de la sécurité sociale (BOSS)

Le bulletin officiel de la Sécurité sociale est créé et désormais accessible sur un site internet dédié : https://boss.gouv.fr et constitue depuis le 1er avril 2021 une source juridique applicable aux cotisants et opposable aux organismes de recouvrement. Les circulaires ou instructions ayant été précédemment publiées restent en vigueur jusqu’à la publication au BOSS de commentaires de l’administration ayant le même objet. Les commentaires repris dans le BOSS sont pour la plupart identiques à ceux des circulaires et instructions pour préserver la sécurité juridique. Le BOSS peut néanmoins comporter des évolutions de doctrine administrative, dont certaines font l’objet d’une entrée en vigueur différée pour permettre aux cotisants de s’y préparer. Le BOSS précise également les circulaires qui sont abrogées lors des mises à jour.

Arrêtés des 30 et 31 mars 2021 relatifs à la mise à disposition des instructions et circulaires publiées au Bulletin officiel de la sécurité sociale.

 

Travailleurs des plateformes de mobilité : mise en place d’une représentation

Par une ordonnance du 21 avril 2021, le Gouvernement a fixé un cadre légal à la représentation des travailleurs indépendants recourant aux plateformes.

A compter de 2022, ces travailleurs pourront élire leurs représentants au niveau national tous les 4 ans, sous la supervision de l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi (ARPE). Le scrutin aura lieu par vote électronique.

Une protection est attachée à ce statut de représentant : l’ordonnance prévoit ainsi que lorsque le représentant élu recourt, comme travailleur indépendant, à une plateforme pour l’exercice de son activité professionnelle, la rupture de son contrat commercial ne pourra intervenir à l’initiative de la plateforme qu’après autorisation de l’ARPE. Cette protection s’appliquera également dans l’hypothèse où la plateforme a eu connaissance de l’imminence de sa désignation en tant que représentant, ainsi que durant les six mois suivant l’expiration du mandat de représentant.

Ordonnance n°2021-484 du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d’exercice de cette représentation.

 

Covid-19 : taux de l’activité partielle

Les textes confirmant les annonces ministérielles sont parus :

  • Le décret du 13 avril 2021, applicable de manière rétroactive au 1er avril 2021, fixe à 70 % le taux de l’allocation d’activité partielle versée à l’employeur au titre des salariés vulnérables et des parents d’un enfant de moins de seize ans ou d’une personne en situation de handicap faisant l’objet d’une mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile et se trouvant dans l’impossibilité de continuer à travailler.
  • Les décrets du 28 avril 2021 :
    • diffèrent au 1er juin 2021 la baisse du taux de l’indemnité d’activité partielle versée au salarié à 60 % de sa rémunération antérieure brute. Le taux est maintenu à 70 % jusqu’au 31 mai 2021 ;
    • prévoient que le taux d’allocation de droit commun versée aux employeurs ne sera ramené à 36 % qu’à compter du 1er juin 2021. Jusqu’au 31 mai 2021, le taux reste fixé à 60 %.

Décret n°2021-435 du 13 avril 2021 modifiant le décret n° 2020-1786 du 30 décembre 2020 ; Décret n°2021-508 du 28 avril 2021 modifiant le décret n° 2020-1316 du 30 octobre 2020 ; Décret n°2021-509 du 28 avril 2021 relatif aux taux de l’allocation d’activité partielle.

 

Covid-19 : reconduction de la « prime Macron »

Le Gouvernement a présenté aux partenaires sociaux les modalités de versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat en 2021 qui est donc reconduite. La prime Macron sera défiscalisée dans la limite d’un plafond de 1.000 euros, pour les salaires allant jusqu’à 3 SMIC.

Le plafond pourra être porté à 2.000 euros si l’entreprise ou la branche s’engagent formellement à des actions de valorisation des travailleurs de « deuxième ligne ».Le plafond de 2.000 euros pourra également bénéficier aux salariés dont l’entreprise est couverte par un accord d’intéressement en vigueur.

Il est proposé que la prime puisse être versée jusqu’à début 2022 et que le dispositif soit applicable rétroactivement pour les primes versées à partir du dépôt du projet de loi qui intégrera ces mesures à l’été.

Communiqué de presse du 28 avril 2021.


 

JURISPRUDENCE

Transfert d’entreprise : le règlement intérieur n’est pas transféré avec les contrats de travail

En application de l’article L. 1224-1 du Code du travail, en cas de modification dans la situation juridique de l’employeur (cession, scission, fusion, etc.), les contrats de travail des salariés sont automatiquement transférés au nouvel employeur.

Dans le cas d’espèce, un salarié contestait la procédure de licenciement dont il avait fait l’objet au motif que le nouvel employeur n’avait pas respecté la procédure disciplinaire prévue par le règlement intérieur mis en place au sein de l’entreprise cédée.

Par cet arrêt, la Cour de cassation rappelle que le règlement intérieur est un acte règlementaire de droit privé dont les conditions d’élaboration sont encadrées par la loi. Du fait de cette nature, il n’est pas transféré avec les contrats de travail en application de l’article L. 1224-1, contrairement à un usage ou à un engagement unilatéral de l’employeur.

Le nouvel employeur n’est donc pas tenu de respecter les dispositions du règlement intérieur applicable chez le précédent employeur avant le transfert de plein droit des contrats de travail.

Cass. soc., 31 mars 2021, n°19-12.289, FS-P+I.

 

Egalité professionnelle : moment de la désignation de l’expert du CSE et champ de l’expertise

Par un arrêt du 14 avril 2021, la Cour de cassation apporte des précisions sur les modalités de recours à un expert par le CSE « en vue de préparer la négociation sur l’égalité professionnelle », conformément à l’article L. 2315-94 du Code du travail.

Dans l’affaire soumise, la désignation de l’expert avait été opérée alors que la négociation avait déjà été engagée et l’expertise portait sur la qualité de vie au travail incluant l’égalité professionnelle :

  • Sur le moment de la désignation : celle-ci doit être faite « en temps utile à la négociation », quand bien même la négociation a déjà été engagée ; en l’espèce, compte tenu de la suspension des négociations et de l’insuffisance des informations communiquées par l’employeur, la désignation n’est pas jugée tardive ;
  • Sur le champ de l’expertise : l’expertise ne porte que sur la négociation sur l’égalité professionnelle et ne peut être étendue à d’autres champs de négociation ;
  • Sur la prise en charge du coût de l’expertise : l’expertise en vue de la négociation sur l’égalité professionnelle est intégralement prise en charge par l’employeur en l’absence de tout indicateur relatif à l’égalité professionnelle dans la BDES ; dans les autres cas, l’expertise est cofinancée à hauteur de 20 % par le CSE et 80 % par l’employeur (article L. 2315-80 du Code du travail).

Cass. soc., 14 avril 2021, n°19-23.589, FS-P.

 

Covid-19 : nécessité de difficultés économiques pour imposer la prise de jours de RTT

L’ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 permet temporairement aux employeurs d’imposer aux salariés la prise de jours de RTT à une date déterminée, dans une limite de dix jours, « lorsque l’intérêt de l’entreprise le justifie eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du Covid-19 ».

Comme de nombreuses entreprises, Sanofi a fait usage de ce dispositif afin d’aménager le planning de ses salariés. Un syndicat a assigné la société en référé au motif que l’employeur ne justifiait pas de difficultés économiques liées à la propagation du covid-19. Débouté en première instance, le syndicat a vu ses arguments prospérer devant la Cour d’appel.

Suivant la lettre de l’ordonnance précitée, la Cour d’appel de Paris a retenu l’existence d’un trouble manifestement illicite, l’entreprise ne rapportant pas la preuve de telles difficultés économiques.

Cette décision source d’une grande insécurité juridique peut apparaître contraire à l’objectif de la loi d’habilitation de « faire face aux conséquences » de la crise sanitaire. Elle fait d’ailleurs l’objet d’un pourvoi en cassation.
Il est à noter que ces dispositions, prolongées jusqu’au 30 juin 2021, sont encore prolongées jusqu’au 30 septembre 2021 par le projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire.

CA Paris, 1er avril 2021, n°20/12215.

 

Clause de neutralité : importance du règlement intérieur ou d’une note de service assimilable

L’employeur peut prévoir dans le règlement intérieur de l’entreprise ou dans une note de service soumise aux mêmes dispositions que le règlement intérieur, en application de l’article L. 1321-5 du Code du travail, une clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, dès lors que cette clause générale et indifférenciée n’est appliquée qu’aux salariés se trouvant en contact avec les clients.

Saisie du licenciement d’une vendeuse ayant refusé de retirer son foulard islamique lorsqu’elle était en contact avec la clientèle, la Cour de cassation réaffirme sa jurisprudence en ligne avec celle de la CJUE :

  • (i) en l’absence de clause de neutralité dans le règlement intérieur ou dans une note de service assimilable, l’interdiction faite à la salariée de porter un foulard islamique caractérisait l’existence d’une discrimination directement fondée sur les convictions religieuses de l’intéressée ;
  • (ii) l’attente alléguée des clients sur l’apparence physique des vendeuses de détail d’un commerce d’habillement ne saurait constituer une « exigence professionnelle essentielle et déterminante » susceptible de justifier des restrictions aux droits des personnes et aux libertés individuelles.

En conséquence, le licenciement prononcé au motif du refus de la salariée de retirer son foulard islamique lorsqu’elle était en contact avec la clientèle, reposait sur un motif discriminatoire de sorte que le licenciement était nul.

Cass. soc., 14 avril 2021, n°19-24.079, FS-P+I.

 

Rétrogradation : l’acceptation de la sanction par le salarié ne l’empêche pas d’en contester le bien fondé

En application des articles L. 1333-1 et L. 1333-2 du Code du travail, en cas de litige, le Conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. Il peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Dans cette espèce, un salarié avait signé un avenant à son contrat de travail formalisant la rétrogradation disciplinaire dont il avait fait l’objet. Le salarié a par la suite saisi le Conseil de prud’hommes d’une demande d’annulation de cette sanction.

La Cour d’appel a rejeté la demande du salarié aux motifs qu’il avait, en parfaite connaissance de cause, signé l’avenant entérinant sa rétrogradation disciplinaire qu’il avait ainsi acceptée, de sorte qu’il n’était plus fondé à la remettre en cause.

Confirmant sa jurisprudence antérieure, la Cour de cassation rappelle toutefois que l’acceptation par le salarié d’un avenant à son contrat de travail entérinant une sanction disciplinaire modifiant ce contrat, n’emporte pas renonciation du droit pour le salarié à contester par la suite la régularité et le bien-fondé de cette sanction.

Cass. soc., 14 avril 2021, n°19-12.180, FS+P+I.

 

Licenciement économique : dommages-intérêts en réparation de la privation des dispositions d’un PSE

Une salariée ayant fait l’objet d’un transfert de contrat de travail dans le cadre d’une fusion est licenciée pour motif économique. Un PSE ayant été mis en place au sein de l’entreprise absorbante quelques semaines après la notification de son licenciement, elle sollicitait des dommages et intérêts compensatoires au titre de la privation du bénéfice des dispositifs prévus par le PSE.

Les juges du fond avaient rejeté sa demande aux motifs notamment qu’au moment de son licenciement, le PSE n’avait pas encore été adopté.

La Cour de cassation censure cette décision : si un PSE ne peut s’appliquer à un salarié dont le contrat de travail a été rompu avant son adoption, le salarié qui a été privé du bénéfice des dispositions du PSE en raison des conditions de son licenciement est fondé à en demander réparation.

En l’espèce, le transfert du contrat de travail de la salariée étant intervenu alors qu’un PSE était en cours d’élaboration dans l’entreprise absorbante, elle était concernée par le projet de licenciement économique collectif donnant lieu à l’élaboration du plan. Elle était donc fondée à obtenir réparation du fait de la privation du bénéfice des dispositions du PSE.

Cass. soc., 14 avril 2021, n°19-19.050, FS-P.

 

Préjudice d’anxiété : prise en compte d’un revirement de jurisprudence en cours d’instance

Depuis un arrêt de principe de la Chambre mixte de 1971, la Cour de cassation déclarait irrecevable le moyen formé au soutien d’un nouveau pourvoi à l’encontre de la décision de la Cour d’appel de renvoi qui avait statué conformément à l’arrêt de cassation l’ayant saisie, quand bien même un revirement de jurisprudence serait intervenu postérieurement à cet arrêt.

Un salarié sollicitait l’indemnisation du préjudice d’anxiété liée à une exposition à l’amiante, demande à laquelle avait fait droit la Cour d’appel dans un premier arrêt. Or, la Cour de cassation avait cassé la décision et avait renvoyé l’affaire devant une autre Cour d’appel qui, après avoir constaté que les conditions liées à une telle indemnisation n’étaient pas réunies (l’établissement ne figurait pas sur la liste mentionnée à l’article 41 de la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998), avait rejeté la demande du salarié.

Postérieurement à cette décision, l’Assemblée Plénière a opéré un important revirement de jurisprudence en reconnaissant à tout salarié justifiant d’une exposition à l’amiante, la possibilité d’agir contre son employeur sur le fondement du droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur, quand bien même l’établissement n’était pas inscrit sur la liste précitée.

Par cette décision, l’Assemblée Plénière apporte une exception à sa jurisprudence en énonçant que les exigences de sécurité juridique et de prévisibilité du droit doivent se concilier avec les nécessaires évolutions de la jurisprudence et déclare donc recevable le moyen du salarié fondé sur ce revirement.

Cass, Ass. Plén., 2 avril 2021, n°19-18.814.

 

Faute inexcusable du particulier employeur

Une employée de maison est devenue paraplégique à la suite d’une chute sur son lieu de travail depuis un balcon dont la balustrade en bois avait cédé. Cet accident avait été pris en charge par la CPAM au titre de la législation professionnelle et la salariée a saisi une juridiction de sécurité sociale pour faire reconnaitre la faute inexcusable de son employeur.

C’est la première fois que la Cour de cassation est amenée à définir la faute inexcusable du particulier employeur.  Elle adopte la même définition que pour un employeur « professionnel » : « Le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle le particulier employeur est tenu envers l’employé de maison a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsqu‘il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis l’employé et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. »

Cass. soc., 8 avril 2021, n°20-11.935, FS-P+I.