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Smart News | Droit de la construction et de l’urbanisme

Aurélie Dauger et Hélène Cloëz vous proposent de retrouver régulièrement une sélection de l’actualité légale et jurisprudentielle en droit de la construction et de l’urbanisme.

Droit de la construction

Du nouveau sur : Assurance – L’éternel sujet de la qualification de l’AMO

Cass, 3ème civ. 13 avril 2023, n°22-11.024

Dans le cadre de la construction d’un immeuble situé dans une station de ski, le maître d’ouvrage s’est adjoint un assistant à maîtrise d’ouvrage (AMO)

Après expertise judiciaire, il est apparu que le système de production sanitaire d’eau chaude était défaillant en raison de son inadaptabilité à l’ environnement

Pour avoir conseillé au maître d’ouvrage une technologie inadaptée, la cour d’appel a condamné l’AMO in solidum avec d’autres parties à réparer les préjudices à ce titre sur le fondement de l’article 1792 du code civil.

L’AMO, à l’origine du pourvoi en cassation, soutenait que n’ayant aucune mission de maîtrise d’œuvre il n’avait pas à donner son avis sur l’adaptation de l’ouvrage à sa situation géographique, et n’était pas tenue d’une obligation de conseil et de mise en garde, de sorte que la garantie décennale n’a pas vocation à s’appliquer

Toutefois, la Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel, en considérant que :

  • l’ambiguïté du contrat sur la mission de l’AMO avait rendu nécessaire une interprétation de la Cour d’appel,
  • l’AMO était investi d’une mission « Haute Qualité environnementale » dont il résultait qu’il devait un conseil sur l’adaptation de l’ouvrage à sa localisation, qu’il devait donc répondre, in solidum avec les autres parties, des préjudices subis par le maître d’ouvrage à ce titre.

Qu’est-ce que cela implique ?

La mission d’AMO doit être clairement décrite pour éviter des requalifications de qualité aux impacts majeurs en termes de responsabilité et d’assurance

Du nouveau sur : Assurance – Rappel de l’affectation des sommes versées par l’assureur DO

Cass, 3ème civ. 13 avril 2023, n°19-24,060

Contrairement aux assurances de chose, l’assuré d’une police d’assurance DO ne peut disposer librement de l’indemnité qui lui est versée par l’assureur DO. La procédure de préfinancement instituée à l’article L.242-1 du code des assurances rend obligatoire l’affectation de l’indemnité à la reprise des désordres. Ainsi, il incombe au maître d’ouvrage de démontrer avoir réalisé les travaux nécessaires et d’en établir le coût, à défaut, l’assureur DO peut demander la restitution des indemnités non affectées (Cass, 3ème civ. 4 mai 2016, n°14-19.804)

Un assureur DO qui avait indemnisé des acquéreurs en VEFA pour la reprise de désordres affectant un mur de soutènement, a assigné le nouveau propriétaire du bien, en restitution de l’indemnité versée aux maîtres d’ouvrage initiaux qui ne l’avaient pas affectée aux travaux de réparation.

Le nouveau propriétaire soutenait devant la Haute Juridiction (1) qu’il n’avait reçu aucune somme de la part de l’assureur DO, (2) que la transmission du bénéfice de l’assurance DO n’emporte pas cession des éventuelles créances détenues par l’assureur contre le maître d’ouvrage initial (3) le contrat de vente ne prévoyait aucun transfert de l’indemnité, et au contraire, prévoyait une réfaction du prix, à charge pour le nouvel acquéreur de réaliser les travaux du mur de soutènement, ne concernait pas l’assureur DO qui n’était que tiers audit contrat.

La Cour de cassation rejette le pourvoi, après avoir constaté que:

  • l’acquéreur s’était vu consentir une réduction du prix de vente au moins équivalente à l’indemnité versée aux vendeurs par l’assureur
  • l’acte de vente faisait état de l’indemnisation versée avec la mention que les vendeurs n’avaient pas exécuté les travaux qui restaient à la charge de l’acquéreur

et conclu que : « selon la convention des parties à l’acte de vente, l’indemnité d’assurance avait été transférée à l’acquéreur, qui devait effectuer les travaux pour laquelle elle avait été versée. »

L’acquéreur devait donc restituer l’indemnité non affectée à la réparation de l’ouvrage.

Qu’est-ce que cela implique ?

L’obligation d’affectation de l’indemnité se transcende l’identité du premier bénéficiaire.

Lors d’une acquisition, il faut donc être vigilent sur les travaux réalisés ou à réaliser avec cette somme.

Du nouveau sur : Assurance – Construction réalisée sous la maitrise d’ouvrage de l’usufruitier : absence de qualité à agir du nu-propriétaire contre les constructeurs et leurs assureurs

Cass, 3ème civ. 13 avril 2023, n°22-10.487

Le nu-propriétaire d’un ouvrage dont la construction a été édifiée à la demande de l’usufruitier [donc sous sa maîtrise d’ouvrage] a assigné les constructeurs et leurs assureurs en indemnisation de dommage de nature décennale, après expertise

La Cour d’appel avait rejeté son action fondée sur l’article 1792 du Code civil, faute pour lui de justifier de sa qualité à agir.

Le nu-propriétaire soutenait qu’il disposait de la qualité de maître d’ouvrage quand bien même l’usufruitier aurait ordonné la construction.

La Cour de cassation rejette le pourvoi et considère que :

  • le droit d’accession du nu-propriétaire du fonds, sur la construction édifiée par l’usufruitier est régi par l’article 555 du Code civil, soit à la fin de l’usufruit,
  • ainsi, le nu-propriétaire n’avait pas la qualité de maître de l’ouvrage,
  • il ne pouvait donc pas agir contre l’assureur décennal.

Qu’est-ce que çela implique ?

La garantie décennale ne peut être mise en œuvre que la personne qui est propriétaire de l’ouvrage, ce qui n’est pas le cas du nu-propriétaire tant que l’usufruit n’a pas pris fin.

Actualité jurisprudentielle : Un risque éventuel de chute d’arbres sur une maison voisine, constitue un trouble anormal de voisinage justifiant leur abattage

Cass., civ. 3è, 1er mars 2023, n°21-19.716, non publié

Les propriétaires d’une maison ont assigné leurs voisins devant le Tribunal judiciaire aux fins d’abattage de six cèdres bleus situés sur leur parcelle et dont la hauteur excédait la distance entre leur pied et la parcelle des demandeurs, sur le fondement des troubles anormaux de voisinage.

L’abattage des arbres a été ordonné, puis confirmé, conduisant les propriétaires de ces arbres à se pourvoir en cassation, selon trois motifs (i) la préexistence des arbres par rapport à la date d’achat de la maison, (ii) le trouble invoqué ne consistait qu’en un risque éventuel de chute d’arbre dont la probabilité n’avait pas été caractérisée, (iii) la disproportion de la mesure d’abattage ordonnée quand une simple réduction de la hauteur des arbres aurait suffit à prévenir le trouble invoqué.

Le pourvoi est rejeté par la Haute Juridiction se rangeant derrière l’appréciation souveraine des juges du fond et se bornant à relever que l’arrêt attaqué était motivé s’agissant de l’existence du trouble anormal dès lors que des dégâts avaient déjà été causés à la maison sans que, de ce fait, la Cour d’appel ne soit tenue de caractériser l’antériorité du trouble, ni la proportionnalité de la mesure ordonnée.

Qu’est-ce que cela implique ?

Cette décision est particulièrement grave et surprenante, puisqu’elle écarte deux principes antérieurement établis en jurisprudence, permettant de contester l’anormalité alléguée d’un trouble  de voisinage en prouvant l’antériorité du trouble, ou la disproportion de la mesure réclamée pour y mettre fin. On remarquera toutefois que cet arrêt n’a pas été publié. Il est donc probable qu’il s’agisse d’un arrêt d’espèce, isolé, plutôt que d’un réel revirement de jurisprudence.

Actualité jurisprudentielle : Combinaison des prescriptions applicables pour les actions récursoires en garantie des vices cachés

Cass., civ. 3ème , 8 février 2023, n°21-20.271

Après un incendie ayant pour origine la défaillance d’une puce électronique contenue dans un groupe VMC installé par un entrepreneur, la troisième chambre civile est interrogée sur l’agencement des délais de prescriptions des actions récursoires entre l’entreprise, le fournisseur, le fabriquant de la VMC et le fabriquant de la puce. Les deux délais suivants étant en concurrence :

-le délai de deux ans à compter de la découverte du vice (article 1648 alinéa 1er du code civil) ;

-le délai de 5 ans à compter de la vente (article L. 110-4 du Code de commerce)

La Cour, après avoir relevé que l’entrepreneur ne peut pas agir contre le vendeur et le fabriquant avant d’avoir été lui-même assigné par le maître d’ouvrage, retient que le point de départ du délai de 2 ans (article 1648 du code civil) est constitué par la date de sa propre assignation et que le délai de 5 ans qui court à compter de la vente (article L. 110-4 du Code de commerce) est suspendu jusqu’à ce que sa responsabilité ait été recherchée par le maître d’ouvrage

La Cour ne s’arrête pas la puisqu’elle applique le même raisonnement au sujet de l’action récursoire du fournisseur contre le fabriquant, dont la prescription quinquennale est également suspendue jusqu’au jour de sa propre assignation.

Qu’est-ce que cela implique ?

Dans le cadre des actions récursoires en réparation des vices cachés, il convient de retenir systématiquement le délai de prescription de deux ans de l’article 1648 alinéa 1er du code civil à compter de la date à laquelle l’auteur du recours est assigné.

Droit de l’urbanisme

Le projet de PLU de Paris bioclimatique a été arrêté le 5 juin et publié le 19 juin 2023

Quelques dispositions importantes du futur PLU de Paris bioclimatique :

Un objectif de production de logements (d’ici 2035, objectifs de 40% de logements « publics » dont 30% de logements sociaux et 10% de logements « abordables »)

-Création d’une servitude de mixité fonctionnelle : dans le secteur de développement de l’habitation, toute construction neuve, restructuration lourde, extension, surélévation ou changement de destination ou de sous-destination doit comprendre après travaux une SDP destinée à l’habitation supérieure à 11 % de la SPE créée, restructurée ou objet du changement de destination ou de sous-destination, avec un minimum de 500 mètres carrés, à la double condition suivante : la SPE projetée est supérieure à 4500 m2 et la somme des SDP projetées des locaux relevant de la SPE et des locaux relevant de la destination Habitation est supérieure  5 000 mètres carrés.

-Suppression du potentiel d’extension de 10% de la SPE existante.-Augmentation du nombre des emplacements réservés « Pastillage » : tout projet de construction neuve, restructuration lourde, extension, surélévation ou changement de destination doit affecter une part de sa surface de plancher à de l’habitation (dont du logement social ou du logement en BRS).

-Renforcement de la servitude de mixité sociale selon les zones :

  • dans la zone de déficit en logement social, la réalisation d’un programme d’habitation de plus de 500m2 devra comprendre une part minimale de 35% de logements sociaux ;
  • création d’une zone d’hyper-déficit où la part de logements sociaux s’élève à 50% ;
  • dans la zone non déficitaire en logement social, la réalisation d’un programme d’habitation plus de 500 m2 devra comprendre 30% de logement BRS.

-Les servitudes de mixité fonctionnelle, sociale et les contraintes des emplacements réservés s’appliqueront notamment en cas de restructuration lourde, définie par le futur PLU : « travaux visant à rénover ou modifier une construction existante et soumis à autorisation d’urbanisme qui suppriment ou rendent à l’état neuf les éléments déterminant la résistance et la rigidité de la construction dans une proportion d’au moins 15 %, sous réserve des travaux qui ressortent de la reconstruction.».

A la suite de ce vote s’ouvre une période de consultation des personnes publiques associées puis l’enquête publique.

Le PLU bioclimatique devrait être adopté fin 2024 ou début 2025.

Actualité jurisprudentielle : Nouveautés sur les règles opposables à un permis de construire

CE 2 juin 2023, n° 461645 – Publié au Recueil

Par une décision du 2 juin 2023, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur quatre questions inédites :

  • Un cahier comportant des recommandations architecturales annexé au règlement d’un PLU peut être opposé aux autorisations d’urbanisme, s’il y est fait expressément référence dans le règlement du PLU et que ce cahier se contente d’expliciter ou préciser, sans les contredire ni les méconnaître, des règles figurant déjà dans le règlement.
  • Dans le cas d’un recours gracieux exercé contre certaines prescriptions attachées à un permis de construire, la prorogation du délai de recours contentieux ne profite qu’à ces prescriptions et non aux autres prescriptions non contestées dans le recours gracieux.
  • Illégalité des prescriptions d’un permis subordonnant leur mise en œuvre à un « avis » préalable de la commune, formalité non prévue par le code de l’urbanisme.
  • La compétence des TA en premier et dernier ressort dans certaines communes dans le cadre des recours contre les permis portant sur un bâtiment à usage principal d’habitation (R. 811-11-1 du CJA) doit être entendue comme portant sur les travaux : ayant pour objet la réalisation de logements et consacrant plus de la moitié de la surface de plancher autorisée à l’habitation.