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Smart News | Droit de la construction et de l’urbanisme

 

Aurélie Dauger et Hélène Cloëz vous proposent de retrouver régulièrement une sélection de l’actualité légale et jurisprudentielle en droit de la construction et de l’urbanisme.

Droit de la construction

Actualités jurisprudentielles Construction : L’acceptation tacite du DGD ne vaut pas pour les travaux supplémentaires

Cass, 3ème civ. 8 juin 2023, n°22-10.393

Un maître d’ouvrage avait notifié à l’entreprise à laquelle il avait confié l’exécution de travaux de construction d’un immeuble à usage d’habitation, son décompte général et définitif (DGD) présentant un solde débiteur; l’entreprise l’a contesté en invoquant au contraire un solde en sa faveur.

Toutefois, le maître d’ouvrage n’a pas répondu à l’entreprise dans le délai de 30 jours requis par la norme Afnor NFP 03-001, de sorte qu’il était donc réputé avoir accepté le mémoire notifié par ce dernier ; l’entreprise l’a assigné en paiement.

La Cour d’appel a fait droit aux demandes de l’entreprise, y compris celles relatives aux travaux supplémentaires alors que le maître d’ouvrage n’avait pas marqué son accord sur les travaux supplémentaires.

La Cour de cassation a censuré cette décision en retenant que l’acceptation des travaux supplémentaires dans un marché à forfait relève de l’article 1793 du Code civil, qui suppose que ces travaux aient été préalablement autorisés par écrit et leur prix préalablement convenu avec le maître d’ouvrage, ou si celui-ci les accepte de manière expresse et non équivoque une fois réalisés.

A la différence du précédent arrêt, c’est cette fois le mémoire de l’entreprise qui faisait mention de travaux supplémentaires, et non le DGD notifié par le maître d’ouvrage lui-même.

Qu’est-ce que ça implique ?

L’entrepreneur ne peut se prévaloir d’une acceptation tacite du décompte général définitif par le maître d’ouvrage pour réclamer le paiement de travaux supplémentaires, qui supposent une acceptation expresse et non équivoque du maître d’ouvrage.

Actualités jurisprudentielles Construction : Nullité du sous-traité et modalités de fixation du coût réel des travaux

Cass, 3ème civ. 8 juin 2023, n°22-13.330

Une entreprise de gros œuvre a sous-traité la réalisation des pieux de fondation et d’une paroi berlinoise. A la suite à d’une expertise judiciaire, le sous-traitant avait procédé à la reprise des pieux défaillants.

Postérieurement, le sous-traitant a introduit une action en nullité du sous-traité, et en fixation du juste prix de ses prestations à l’encontre de l’entreprise qui, à titre reconventionnel, sollicitait une indemnité au titre de ses préjudices résultant des défauts d’exécution des travaux sous-traités.

La Cour d’appel a prononcé la nullité du sous-traité et condamné l’entreprise à payer au sous-traitant une somme qui intégrait le coût des reprises effectuées par le sous-traitant pour corriger les désordres et malfaçons.

En cas de nullité du sous-traité, le jeu des restitutions qui en résulte doit-il  prendre en compte le coût des reprises de désordres et malfaçons ?

Non répond la Cour de cassation: « la créance de restitution du sous-traitant correspond au coût réel des travaux réalisés, à l’exclusion de ceux qu’il a effectués pour reprendre les malfaçons dont il est l’auteur. »

Qu’est-ce que ça implique ?

Le coût des éventuels reprises et malfaçons dont le sous-traitant est à l’origine, ne seront pas pris en compte par le juge lors de la fixation du coût réel des travaux dans le cadre d’une action en nullité du sous-traité.

Actualités jurisprudentielles Construction : Entrepreneur principal en liquidation judiciaire : seule la déclaration de créance vaut mise en demeure

Cass, 3ème civ. 13 juillet 2023,  n°21-23.747 

Un maître d’ouvrage a confié la réalisation de travaux à une entreprise qui en a sous-traité une partie.

L’entrepreneur principal a été placé en liquidation judiciaire sans avoir payé le solde du marché à son sous-traitant, qui exerce donc une action directe à l’encontre du maître d’ouvrage.

La Cour d’appel condamne le maître d’ouvrage au paiement sollicité considérant que l’entrepreneur démontre avoir adressé à l’entrepreneur une lettre de mise en demeure, sans tenir compte de l’antériorité de la lettre de mise en demeure à la liquidation judiciaire.

La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au motif que :

« Faute de mise en demeure préalable à la liquidation judiciaire, seule la déclaration de créance vaut mise en demeure de l’entrepreneur principal (…) La mise en demeure adressée, le 6 octobre 2014, par le sous-traitant à l’entrepreneur principal, dessaisi de la gestion de ses biens à compter du prononcé de la liquidation judiciaire, est inefficace. En l’absence de déclaration de créance au passif de l’entrepreneur principal valant mise en demeure, l’action directe exercée par le sous-traitant contre le maître de l’ouvrage est irrecevable. ».

Qu’est-ce que ça implique ?

Si l’entrepreneur principal est en liquidation judiciaire, le sous-traitant doit démontrer avoir déclaré sa créance, faute de quoi l’action directe exercée contre le maître de l’ouvrage est irrecevable.

Actualités jurisprudentielles Construction : Contrat de maîtrise d’œuvre et clauses abusives

Cass, 3ème civ. 25 mai 2023, n°21-20.643

Une société d’hôtellerie a confié à un architecte des travaux d’extension de son hôtel.

Le contrat prévoyait une clause d’exclusion de solidarité par laquelle l’architecte ne pouvait « être tenu responsable, de quelque manière que ce soit, et en particulier solidairement, des dommages imputables aux actions ou omissions du maître d’ouvrage ou des autres intervenants dans l’opération faisant l’objet du présent contrat ».

En cours de travaux, le maître d’ouvrage résilie le contrat d’architecte puis se plaignant de désordres et de retards assigne à la fois les constructeurs, leurs assureurs, et l’architecte en indemnisation.

La Cour d’appel applique la clause d’exclusion de solidarité et condamne l’architecte, sous la garantie de son assureur, non pas in solidum avec les autres responsables mais uniquement à hauteur de sa part contributive aux dommages.

Le maître d’ouvrage soutient que cette clause d’exclusion de solidarité lui était inopposable en application de l’article L.132-1 du code de la consommation (L.212-1 et L.212-2 nouveau du code de la consommation) selon lequel sont réputées non écrites, car abusives, les clauses des contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs.

La Cour de cassation rejette le pourvoi : l’article L.132-2 ne s’applique pas en l’espèce  :

« Le contrat ayant un rapport direct avec l’activité professionnelle du maître de l’ouvrage, celui-ci ne peut être considéré comme un non-professionnel dans ses rapports avec le maître d’oeuvre, peu important ses compétences techniques dans le domaine de la construction, de sorte que les dispositions précitées ne sont pas applicables. »

Qu’est-ce que ça implique ?

Une clause limitative de responsabilité n’est pas abusive au sens de l’article L.132-1 du code de la consommation, si le contrat a un rapport direct avec l’activité professionnelle exercée par le cocontractant, qui ne peut alors être considérée comme un  non-professionnel dans ses rapports avec le maître d’œuvre.

Actualités jurisprudentielles Construction : La garantie décennale ne couvre pas les vices apparents à la réception

Cass, 3ème civ. 25 mai 2023, n°22-10.734

Les acquéreurs d’un appartement en l’état futur d’achèvement ont émis des réserves à la livraison.

Les locataires se plaignent d’infiltrations. Une expertise judiciaire est ordonnée à la demande des acquéreurs. A la suite du dépôt du rapport d’expertise, ces derniers assignent le promoteur-vendeur  sur le fondement de la responsabilité civile décennale.

La Cour d’appel déclare les acquéreurs irrecevables au motif que les désordres étaient apparents à la livraison.

La question qui se posait à la Cour de cassation était celle de savoir si ces désordres apparents à la livraison mais dont le caractère décennal apparait postérieurement à celle-ci peuvent relever de la garantie décennale.

La réponse est négative. La Cour d’appel « a souverainement retenu que, si les désordres réservés étaient de nature évolutive dès lors qu’ils étaient appelés à s’aggraver avec l’usage normal des fenêtres, ils étaient en germe et prévisibles dans leur ampleur et leurs conséquences dès la réception, le défaut d’étanchéité à l’air alors signalé emportant nécessairement un défaut d’étanchéité à l’eau, de sorte que ceux-ci étaient apparents à la réception.

Elle a exactement déduit de ce seul motif que, relevant de la garantie des vices apparents, ces désordres ne pouvaient pas faire l’objet d’une action fondée sur la garantie décennale. »

Qu’est-ce que ça implique ?

Compte tenu de la connaissance du vice apparent dans sa cause et ses conséquences par les acquéreurs en VEFA,  ces derniers ne peuvent diligentés une action fondée sur la garantie décennale des constructeurs.

Actualités jurisprudentielles Construction : Contrôle de proportionnalité de la demande de démolition / reconstruction

Cass, 3ème civ. 6 juillet 2023,  n°22-10.884

Un maître d’ouvrage a confié à une entreprise la maitrise d’œuvre complète de la construction de sa maison. La réception est prononcée avec réserves.

Le maître d’ouvrage se plaignant d’un défaut de conformité des hauteurs sous plafond,  une expertise est ordonnée à la suite de laquelle le maître d’ouvrage assigne les locateurs d’ouvrages et leurs assureurs en sollicitant sur le fondement de l’article 1221 (1184 ancien) du Code civil  l’indemnisation de leur préjudice à hauteur du coût de la démolition et de la reconstruction de l’ouvrage.

La Cour d’appel fait droit à la demande du maître d’ouvrage,

Il était reproché à la Cour d’appel de ne pas avoir recherché comme elle y avait été invitée par les défendeurs si la demande indemnitaire du maître d’ouvrage était disproportionnée par rapport à la gravité des non-conformités constatées, qui consistaient seulement en une hauteur sous plafond de 2,48m au lieu de 2,53m au rez-de-chaussée et 2,20m à 2,22m au lieu de 2,50m à l’étage.

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel qui « sans avoir recherché, comme il le lui était demandé, si la solution réparatoire consistant en la démolition-reconstruction du complet ouvrage n’était pas manifestement disproportionnée au regard des conséquences dommageables des non-conformités retenues, la cour d’appel, qui ne s’est déterminée qu’en fonction du coût comparé des solutions réparatoires entre elles, n’a pas donné de base légale à sa décision. »

Qu’est-ce que ça implique ?

Lorsque la demande de démolition / reconstruction est formée au titre de l’exécution forcée ou en nature d’un contrat sur le fondement de l’article 1221 du Code civil (1184 ancien), elle peut faire l’objet d’un contrôle de proportionnalité.

Droit de l’urbanisme

Actualité jurisprudentielle Urbanisme : Intégration d’un projet dans le bâti des matériaux renouvelables

CE, 4 octobre 2023, n° 467962

L’article L. 111-16 du code de l’urbanisme interdit aux services instructeurs de s’opposer, lors de la délivrance d’une autorisation d’urbanisme, à l’utilisation de matériaux renouvelables ou de matériaux ou procédés de construction permettant d’éviter l’émission de gaz à effet de serre, à l’installation de dispositifs favorisant la retenue des eaux pluviales ou la production d’énergie renouvelable, et ce quel que soit les règles du document d’urbanisme existantes relatives à l’aspect des constructions. L’article précise que l’autorisation d’urbanisme peut comporter des prescriptions destinées à assurer la bonne intégration architecturale du projet dans le bâti existant et dans le milieu environnant.

Le Conseil d’Etat précise que les dispositions de l’article L 111-16 du code de l’urbanisme n’ont ni pour objet, ni pour effet d’écarter l’application des dispositions d’un PLU relatives à l’aspect extérieur des constructions qui imposent la bonne intégration des projets dans le bâti existant et le milieu environnant.

Par conséquent, si un PLU ne peut s’opposer à l’utilisation de matériaux renouvelables ou à l’installation de dispositifs favorisant la retenue des eaux pluviales ou la production d’énergie renouvelable, rien n’empêche le maire d’imposer des prescriptions dans le permis de construire.

Actualité jurisprudentielle Urbanisme : Annulation partielle d’un décret d’application de la loi ZAN

CE, 4 octobre 2023, n° 465341 et 465343

Pour rappel, la loi Climat et résilience du 22 août 2021 a prévu de diviser par deux le rythme de l’artificialisation des sols entre 2021 et 2031 et d’atteindre d’ici 2050 le Zéro Artificialisation Nette (ZAN). Une seconde loi du 13 juillet 2023 est venue renforcer l’accompagnement des élus locaux et faciliter la mise en œuvre de ces objectifs.

Les décrets d’application de la loi Climat et Résilience du 29 avril 2022 ont fait l’objet d’un recours en annulation par l’association des maires de France.

Le Conseil d’Etat a rejeté la requête dirigée contre le décret concernant les objectifs de réduction de l’artificialisation à un niveau régional, dans le cadre des schémas régionaux (SRADDET), mais a censuré le décret sur la partie relative à l’échelle à prendre en compte pour déterminer l’artificialisation des sols.

Deux nouveaux décrets de mise en œuvre du ZAN sont en cours de préparation.

Actualité Urbanisme : Diagnostic PEMD et autorisation d’urbanisme

L’arrêté du 26 mars 2023 relatif au diagnostic PEMD est entré en vigueur le 1er juillet 2023.

Le maître d’ouvrage doit faire réaliser un diagnostic portant sur la gestion des produits, équipements, matériaux et déchets issus de la démolition ou de la rénovation significative des bâtiments concernés par les travaux, lorsque la surface cumulée de plancher est supérieure à 1 000 m² et/ou lorsque l’ opération concerne au moins un bâtiment professionnel ayant accueilli des substances dangereuses les articles (L. 126-34 et R. 126-8 et suivants du CCH).

Deux déclarations distinctes doivent être déposées sous peine de poursuite pénale (article L. 183-4 du CCH) :

  • Avant de déposer la demande d’autorisation d’urbanisme et/ou l’autorisation de travaux au titre de la réglementation sur les ERP, et avant l’acceptation des devis ou la passation des marchés relatifs aux travaux, le maître d’ouvrage doit faire réaliser le diagnostic et le déposer auprès du CSTB un formulaire Cerfa n° 16287*01 portant sur ce diagnostic (cette déclaration doit être effectuée en ligne). Ce Cerfa doit être déposé auprès du CSTB avant de déposer la demande de PC valant permis de démolir ;
  • Le maître d’ouvrage doit transmettre le formulaire de récolement au CSTB dans un délai de 90 jours suivant l’achèvement des travaux de démolition ou de rénovation significative via le formulaire CERFA n° 16288*01.