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Smart News | Droit de la construction et de l’urbanisme

Aurélie Dauger et Hélène Cloëz vous proposent de retrouver régulièrement une sélection de l’actualité légale et jurisprudentielle en droit de la construction et de l’urbanisme.

Droit de la construction

Du nouveau sur l’actualité jurisprudentielle : Quel assureur multigarantie entreprises pour dommages immatériels aux ouvrages saisir en cas de polices successives en base réclamation pour un constructeur ?

Cass., civ. 3è, 16 mars 2022, n°20-23,520 et 21-10,110

Ce nouvel arrêt confirme l’identification de l’assureur qui doit sa garantie lorsqu’une entreprise est bénéficiaire de deux polices successives offrant les mêmes garanties (en base réclamation) alors que la connaissance du sinistre est postérieure à la souscription de la seconde assurance :

Faveur de principe à la police la plus récente (article L. 124-5 alinéa 4 du Code des assurances) : si (i) les deux polices offrent la même garantie, c’est-à-dire que la garantie litigieuse a été souscrite à nouveau par l’assuré et (ii) elles sont en base réclamation ;

-A défaut, la police la plus ancienne reste applicable, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d’expiration de la garantie et que la première réclamation est adressée a l’assuré ou à son assureur entre la prise d’effet initiale de la garantie et l’expiration d’’un délai subséquent à sa date de résiliation (qui ne peut être inférieur à 5 ans).

En l’espèce, l’arrêt est cassé car les juges du fond avaient écarté l’application de la première police qui était applicable sans pour autant avoir vérifié si les conditions d’application étaient réunies.

Or, la seconde police n’était pas mobilisable (elle n’était pas en base réclamation), de sorte que les juges de la Cour d’appel de Bordeaux auraient du analyser les conditions de mise en œuvre de la garantie de la première.

Ce que cela implique

Pour favoriser l’application de la police la plus récente en cas de succession d’assurances d’un entrepreneur, il convient de vérifier que :

-les deux polices en compétition couvrent le même risque,

-les deux polices soient en base réclamation.

Du nouveau sur l’actualité jurisprudentielle : Obligations de l’architecte et assurance de responsabilité civile

Cass., civ. 3ème, 20 avril 2022, n° 21-16297

Un maître d’ouvrage a mobilisé la responsabilité d’un architecte qui avait débuté un chantier sans avoir obtenu le permis de construire; celui-ci sollicitait la garantie de son assurance de responsabilité civile.

Le juge d’appel avait jugé inapplicable l’assurance de responsabilité professionnelle de l’architecte considérant qu’il s’était placé en dehors des règles de sa profession en méconnaissant les règles d’urbanisme et qu’il s’agissait dès lors d’un risque non couvert par l’assureur.

La Cour de cassation a censuré l’arrêt d’appel: l’assurance pourrait être mobilisée car cette situation constituait une circonstance particulière de réalisation du risque et non un motif d’inapplicabilité des garanties.

A noter que la Cour de cassation rappelle deux obligations essentielles de l’architecte  :

-celle d’informer le client sur l’inadéquation entre le budget alloué et le projet retenu,

-celle de réaliser les travaux dans un délai raisonnable même lorsque les devis ne mentionnent aucun délai.

Ce que cela implique

Le démarrage d’un chantier sans permis de construire n’est pas de nature à exclure l’application de l’assurance de responsabilité professionnelle de l’architecte.

Du nouveau sur l’actualité jurisprudentielle : Le recours subrogatoire d’une entreprise contre un fournisseur d’EPERS se fonde sur la responsabilité contractuelle de droit commun

Cass., civ. 3è, 20 avril 2022, n°21-14.182, publié au bulletin

Une entreprise, chargée par un maître d’ouvrage de rénover une place publique, commande 264 projecteurs disponibles sur catalogue, mais devant faire l’objet d’adaptations spécifiques à ce marché, telles qu’un traitement par « rilsanisation », et une patte de fixation raccourcie au maximum.

Après réception, le maître d’ouvrage a obtenu la condamnation de l’entreprise pour dysfonctionnement des projecteurs sur le fondement de l’article 1792-4 du Code civil. L’entreprise a exercé un recours en garantie contre son fournisseur, fondé sur ce même article relatif à la responsabilité des fournisseurs « d’équipements pouvant entrainer la responsabilité solidaire » (EPERS). Cela nécessitait de vérifier si le contrat de fourniture était d’entreprise, ou de vente.

La Cour de cassation retient la qualification de contrat d’entreprise car les projecteurs devaient respecter des caractéristiques particulières pour « répondre aux besoins précis du chantier auquel ils étaient destinés ». Ce critère de travail spécifique aurait pu permettre l’application de l’article 1792-4 du Code civil, applicable à un « élément d’équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l’avance ». Mais cette responsabilité solidaire et de plein droit ne bénéficie qu’au maître d’ouvrage, sans subrogation au bénéfice de l’entreprise qui a indemnisé le Maître d’Ouvrage et se retourne contre son fournisseur. Ce recours subrogatoire est donc soumis à la responsabilité contractuelle de droit commun et le pourvoi rejeté.

Ce que cela implique

Le contrat d’entreprise est déterminé par le critère du travail spécifique.

Les recours subrogatoires des entreprises contre leurs fournisseurs d’EPERS obéissent à des conditions plus restrictives que le recours principal du maître d’ouvrage contre l’entreprise principale dès lors qu’une faute doit être prouvée.

Du nouveau sur l’actualité jurisprudentielle : Crise des matières premières et recours à l’imprévision en marchés privés

La pénurie des matières premières s’est aggravée depuis le début du conflit en Ukraine, entraînant une nette inflation des coûts de production et d’approvisionnement, doublée d’un allongement des délais d’approvisionnement.

De nombreux représentants de la filière construction ont exprimé leur inquiétude quant aux difficultés pour tenir les délais contractuels et supporter les surcoûts pour les marchés à prix forfaitaire.

Sous l’impulsion notamment de la FFB, le Premier Ministre Jean Castex a publié une circulaire le 27 mars 2022, reconnaissant l’existence d’une situation exceptionnelle et émettant les recommandations suivantes pour l’exécution des contrats de la commande publique : gel des pénalités contractuelles, insertion d’une clause de révision des prix dans les contrats à venir et application de la théorie de l’imprévision.

Plus inhabituel, la circulaire emporte également des recommandations pour les marchés privés, en incitant le recours à l’imprévision.

L’imprévision est encadrée en droit privé par l’article 1195 du Code civil (issu de la réforme du droit des contrats par l’ordonnance du 10 février 2016) qui dispose qu’en cas de changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rendant l’exécution du contrat excessivement onéreuse pour une partie, celle-ci peut solliciter une renégociation du prix de son marché, tout en continuant à l’exécuter.

Cet article n’étant pas d’ordre public, et contraire dans on esprit à l’article 1793 du Code civil régissant le forfait, faisant peser le risque sur l’entrepreneur, les parties peuvent y déroger contractuellement, ce que rappelle la circulaire, en leur suggérant toutefois de neutraliser l’effet de cette dérogation dans une logique de répartition des aléas économiques.

Le Premier ministre s’en remet ainsi à la sagesse des parties, à défaut de pouvoir imposer une modification d’un marché privé en cours d’exécution.

Cette situation doit conduire les maîtres d’ouvrage à privilégier le dialogue pour trouver des solutions équilibrées, afin de permettre la continuité des chantiers, comme de nombreux acteurs l’ont fait pendant la crise sanitaire.

Droit de l’urbanisme

Du nouveau sur la réglementation : Parution de deux décrets relatifs à l’objectif de zéro artificialisation nette

Décret n°2022-762 du 29 avril 2022 relatif aux objectifs et aux règles générales en matière de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires

Le premier décret porte sur la déclinaison des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols dans les documents de planification régionaux

Il précise le contenu des SRADDET, SDRIF, SAR et PADDUC au regard de la gestion économe de l’espace avec un objectif de réduction du rythme d’artificialisation par tranches de dix ans.

Pour la première tranche de dix années, le rythme de l’artificialisation des sols consiste à suivre la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers. Pour la première tranche, les objectifs de réduction de l’artificialisation des sols sont déterminés afin de ne pas dépasser la moitié de la consommation de ces espaces par rapport à celle observée lors des dix années précédant la promulgation de la loi.

Les objectifs sont inscrits au sein des fascicules des SRADDET, fascicules devant être compatibles avec les documents infrarégionaux tels que les SCoT ou PLU(i).

Le décret précise les modalités de déclinaison de ces objectifs au niveau infrarégional, telle que la prise en compte d’enjeux particuliers de restauration d’espaces naturels par exemple, ou de projets d’envergure nationale ou régionale dont la surface artificialisée sera décomptée au niveau régional.

Décret n° 2022-763 du 29 avril 2022 relatif à la nomenclature de l’artificialisation des sols pour la fixation et le suivi des objectifs dans les documents de planification et d’urbanisme

Le second décret contient une nomenclature classant les surfaces terrestres comme artificialisées ou non artificialisées

Les qualités de ces surfaces sont appréciées au regard de leur couverture mais également de leur usage.

La nomenclature classe comme artificialisées les surfaces dont les sols sont soit :

–  Imperméabilisés en raison du bâti ou d’un revêtement ;

–  Partiellement ou totalement perméables et stabilisés et compactés ou recouverts de matériaux minéraux ;

–  Partiellement ou totalement perméables et constitués de matériaux composites ;

-Végétalisés herbacés (c’est-à-dire non ligneux) et qui sont à usage résidentiel, de production secondaire ou tertiaire,   ou d’infrastructures (notamment de logistique ou de transport), y compris s’ils sont en chantier ou à l’état d’abandon.

A l’inverse, sont qualifiées comme non artificialisées les surfaces qui sont soit :

–  Naturelles, nues ou couvertes en permanence d’eau, de neige ou de glace ;

–  A usage de cultures, végétalisées ou en eau ;

–  Naturelles ou végétalisées constituant un habitat naturel qui n’entrent pas dans les trois catégories précédentes.