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Juin 2023

Smart News Droit Social

Nous vous proposons de retrouver régulièrement une sélection de l’actualité légale et jurisprudentielle en droit social.

ACTUALITÉ

Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 et retraites anticipées
Vers une augmentation du forfait social à 30% applicable aux ruptures conventionnelles homologuées à compter du 1er septembre 2023

JURISPRUDENCE

CSE : Prise en charge intégrale obligatoire pour l’employeur du coût de l’expertise sur l’accord de participation
Le juge judiciaire est compétent pour connaître du harcèlement moral d’un salarié protégé licencié par inaptitude
Indifférence du licenciement verbal antérieur à la signature d’une rupture conventionnelle
Le dépassement de la durée maximale de travail ne suppose pas la démonstration d’un préjudice pour ouvrir droit à réparation
Une clause subordonnant l’acquisition de l’intégralité d’une prime d’arrivée à une condition de présence dans l’entreprise postérieure à son versement est licite
Inaptitude : l’arrêt de travail du salarié ne fait pas obstacle au constat de son inaptitude
Prise en charge des frais engagés par les télétravailleurs pendant la pandémie de covid-19

 

ACTUALITÉ

Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 et retraites anticipées

Parallèlement au relèvement progressif de l’âge légal de départ à la retraite qu’elle instaure, la loi de financement rectificative du 14 avril 2023, précisée par un décret du 3 juin 2023, prévoit également des modifications en matière de départs anticipés à la retraite.

  • S’agissant des retraites anticipées pour carrières longues, le décret opère un abaissement de l’âge de départ à la retraite pour les assurés qui ont débuté leur activité avant 21 ans sous réserve d’une durée d’assurance cotisée correspondant à la durée d’assurance requise pour obtenir le taux plein compte tenu de sa génération (58 ans pour un début d’activité avant 16 ans ; 60 ans pour un début d’activité avant 18 ans, 62 ans pour un début d’activité avant 20 ans et enfin 63 ans pour un début d’activité avant 21 ans (CSS, art. D. 351-1-1)).
  • S’agissant des retraites anticipées pour incapacité professionnelle (AT-MP), la condition d’âge de départ à la retraite est abaissée, de 2 ans pour les victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles ayant un taux d’incapacité (IPP) supérieur à 10 % mais inférieur à 20%, à compter du 1er septembre 2023 (CSS, art. L. 351-1-4).
    L’âge de départ en retraite anticipé pour les victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles ayant un taux d’incapacité (IPP) supérieur ou égal à 20 % est maintenu à 60 ans.
  • Concernant l’âge de départ à la retraite des personnes inaptes, le décret maintient cet âge à 62 ans pour les pensions prenant effet à compter du 1er septembre 2023 (CSS, art. 351-1-14), devenant ainsi un dispositif de départ anticipé du fait du report de l’âge légal de départ à 64 ans.
    Enfin, le décret permet toujours un départ à la retraite anticipée pour les travailleurs handicapés, à partir de 55 ans (CSS, art. D. 351-1-5).

Loi n°2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 et décret n° 2023-435 du 3 juin 2023

 

Vers une augmentation du forfait social à 30% applicable aux ruptures conventionnelles homologuées à compter du 1er septembre 2023

A compter du 1er septembre 2023, le régime social de la contribution patronale spécifique de 50 % applicable aux indemnités de mise à la retraite et le forfait social de 20 % applicable sur les indemnités de rupture conventionnelle (pour les salariés qui ne sont en droit de bénéficier d’une pension de retraite d’un régime légalement obligatoire), est harmonisé par une contribution patronale de 30 %.

Conformément à l’article 4 de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, cette contribution patronale de 30% s’appliquera également, à la même date, à l’indemnité de rupture conventionnelle si le salarié est en droit de bénéficier d’une pension de retraite.

Loi n°2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, article 4

 

JURISPRUDENCE

 

CSE : Prise en charge intégrale obligatoire pour l’employeur du coût de l’expertise sur l’accord de participation

L’expert-comptable désigné par le CSE en vue de l’assister pour l’examen du rapport annuel relatif à la réserve spéciale de participation doit être rémunéré en totalité par l’employeur.

Par cette décision, la Cour de cassation clarifie la règle applicable.

En effet, selon l’article D. 3323-14 du code du travail, lorsque le comité social et économique est appelé à siéger pour examiner le rapport relatif à l’accord de participation, il peut se faire assister par l’expert-comptable prévu à l’article L. 2325-35. Or, les dispositions de l’ancien article L. 2325-35 du Code du travail relatives au recours à un expert-comptable par l’ancien comité d’entreprise, désormais abrogé, figuraient dans une sous-section « experts rémunérés par l’entreprise » précisant, à l’ancien article L. 2315-40 du Code du travail, que l’expert-comptable est rémunéré par l’entreprise.

Aussi, pour la Cour :

  • il résulte des textes précités ;
  • ainsi que du fait que cette expertise participe de la consultation récurrente sur la situation économique et financière de l’entreprise prévue à l’article L. 2315-88 du code du travail (selon lequel l’employeur finance à 100% l’expertise) et ne relève pas du champ d’application de l’article L. 2315-81 du même code (selon lequel le CSE peut faire appel à tout type d’expertise qu’il rémunère pour préparer ses travaux) ;

que cette expertise doit être financée intégralement par l’employeur.

Cass. soc., 5 avr. 2023, n° 21-23.427

 

Le juge judiciaire est compétent pour connaître du harcèlement moral d’un salarié protégé licencié par inaptitude

Dans cet arrêt, la Cour considère que le contrôle exercé par l’administration du travail, saisie d’une demande d’autorisation administrative de licenciement pour inaptitude, de l’absence de lien entre le licenciement et les mandats détenus par le salarié, ne fait pas obstacle à ce que le juge judiciaire recherche si l’inaptitude du salarié a pour origine un manquement de l’employeur à ses obligations consistant en un harcèlement moral ou une discrimination syndicale.

Cass. soc., 19 avr. 2023, n° 21-21.349

 

Indifférence du licenciement verbal antérieur à la signature d’une rupture conventionnelle

Dans cet arrêt, au motif que l’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie et que la rupture conventionnelle est exclusive du licenciement ou de la démission, et ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties, la Cour de cassation considère que lorsque le contrat de travail a été rompu par l’exercice par l’une ou l’autre des parties de son droit de résiliation unilatérale, la signature postérieure d’une rupture conventionnelle vaut renonciation commune à la rupture précédemment intervenue (en l’occurrence un licenciement verbal).

Cass. soc., 11 mai 2023, n° 21-18.117

 

Le dépassement de la durée maximale de travail ne suppose pas la démonstration d’un préjudice pour ouvrir droit à réparation.

Il convient de rappeler que la Chambre sociale de la Cour de cassation a procédé à un revirement de jurisprudence en 2016 en mettant un terme au « préjudice automatique » (Cass. soc., 13 avril 2016, n°14-28.293).

Toutefois, cette décision témoigne d’un infléchissement de sa position.

La Cour de cassation considère en effet que le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à réparation pour le salarié, sans qu’il soit besoin de démontrer l’existence d’un préjudice.

Cet arrêt confirme une précédente décision de la Cour de cassation selon laquelle le seul constat du dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail ouvre droit à réparation sans qu’il soit besoin de démontrer l’existence d’un préjudice (Cass. soc., 26 janv. 2022, no 20-21.636).

Cass. soc., 11 mai 2023, n° 21-22.281

 

Une clause subordonnant l’acquisition de l’intégralité d’une prime d’arrivée à une condition de présence dans l’entreprise postérieure à son versement est licite

Le contrat de travail peut subordonner l’acquisition de l’intégralité d’une prime dite d’arrivée à la présence du salarié dans l’entreprise pendant une certaine durée après son versement. Ce même contrat peur prévoir son remboursement au prorata temporis du temps non passé dans l’entreprise par le salarié du fait de sa démission avant l’échéance prévue.

Aussi, pour la Cour, le salarié ayant démissionné avant l’échéance prévue, l’employeur était fondé à solliciter le remboursement partiel de ladite prime dont l’objet était de fidéliser le salarié.

Cass. soc., 11 mai 2023, n° 21-25.136 

 

Inaptitude : l’arrêt de travail du salarié ne fait pas obstacle au constat de son inaptitude

Pour la première fois, la Cour de cassation se prononce sur la possibilité pour le médecin du travail de constater l’inaptitude d’un salarié à son poste de travail à l’issue d’une visite médicale intervenue à la demande du salarié pendant une période d’arrêt du travail.

Dans cette affaire, le salarié avait sollicité l’organisation d’une visite médicale dans l’objectif d’engager une démarche de maintien en emploi et de bénéficier d’un accompagnement personnalisé conformément à l’article R. 4624-34 du Code du travail.

À l’issue de cette visite médicale, le médecin du travail a rendu un avis d’inaptitude ce qui a conduit à son licenciement pour inaptitude.

Le salarié a contesté le bien fondé de celui-ci au motif qu’un avis d’inaptitude ne pouvait valablement intervenir pendant son arrêt de travail et a été débouté de sa demande, la Cour confirmant la licéité d’une telle procédure suivie durant son arrêt maladie.

Cass. soc., 24 mai 2023, n° 22-10.517

 

Prise en charge des frais engagés par les télétravailleurs pendant la pandémie de covid-19

Dans un jugement remarqué du 23 mai 2023, le Tribunal Judiciaire de Paris a répondu favorablement à la demande du CSE de la Société Services Pétroliers Schlumberger (SPS) et du Syndicat Métallurgie Ile de France CFE-CGC visant à ce que la société SPS soit condamnée à prendre en charge les frais professionnels exposés par les salariés en télétravail contraints depuis le 17 mars 2020 en procédant au versement d’une indemnité de 2,5 euros brute par jour de télétravail et ce jusqu’au 31 décembre 2021, date d’application de la charte portant sur la mise en place et les mesures d’accompagnement du télétravail au sein de l’entreprise.

Les requérants soutenaient en effet que la prise en charge des frais exposés dans le cadre du télétravail (en ce compris toutes les dépenses annexes telles que le loyer, l’assurance, les impôts, l’électricité et le gaz, internet, etc.) était obligatoire pour la Société, y compris en cas de circonstances exceptionnelles comparables à la crise sanitaire.

Suivant ce raisonnement, le Tribunal Judicaire de Paris a jugé que les salariés devaient dès lors bénéficier d’une prise en charge de leurs frais exposés dans le cadre des jours qu’ils ont passés en télétravail durant la pandémie peu important que cette prise en charge ne repose sur aucun fondement contractuel tel que la société SPS le faisait valoir.

Pour justifier sa décision, le Tribunal Judiciaire de Paris rappelle notamment que le seul principe dégagé par la Cour de cassation est le fait que les frais exposés par un salarié pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur doivent lui être remboursés sans qu’ils ne puissent être imputés sur la rémunération. De sorte qu’un salarié en télétravail bénéficie d’un droit à l’indemnisation de l’occupation de son domicile personnel à des fins professionnelles, et ce, quels que soit les motifs pour lesquels il a été placé en télétravail.

Aussi, les salariés devaient rétroactivement bénéficier d’une indemnité journalière fixée forfaitairement à 2,5 euros par jour de télétravail accompli pendant la pandémie.

Ce montant de 2,5 euros correspondait au plafond de prise en charge exonérée de cotisations sociales et qui selon le Tribunal Judiciaire de Paris correspondait au seul référentiel que le Juge peut imposer en l’absence de fixation par l’employeur ; ceci d’autant plus que ce montant correspondait au montant retenu par la société SPS dans sa charte applicable à compter du 1er janvier 2022.

TJ Paris, 23 mai 2023, n° 21/08088