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Nous vous proposons de retrouver régulièrement une sélection de l’actualité légale et jurisprudentielle en droit social.

ACTUALITÉ
BDESE : les indicateurs environnementaux sont fixés
Retraite progressive pour les salariés en forfait jours réduit
Renforcement de l’accès des femmes aux postes dirigeants

JURISPRUDENCE
Victoire du barème Macron sur le contrôle in concreto
La liberté d’expression du salarié face au contrôle de proportionnalité
PSE : compétences respectives du juge administratif et du juge judiciaire
Prescription de l’action en réparation du préjudice d’anxiété
Délai de prescription de l’action en qualification d’un contrat de travail
Transfert volontaire du contrat de travail : obligations des employeurs successifs
Contrôle administratif en cas de licenciement d’un salarié protégé en raison de son signalement
Sanction du non-respect de la procédure disciplinaire conventionnelle
Obligation de consultation du CSE en cas de normes imposées à l’employeur
PSE faisant suite à un accord de rupture conventionnelle collective


ACTUALITÉ

BDESE : les indicateurs environnementaux sont fixés

Un décret du 26 avril 2022, entré en vigueur le 28 avril, définit les indicateurs environnementaux que l’employeur doit inscrire dans la base de données économiques sociales et environnementales (BDESE) en l’absence d’accord collectif définissant le contenu de celle-ci.

Des indicateurs précis relevant de la politique générale en matière environnementale, de l’économie circulaire et du changement climatique doivent ainsi désormais figurer dans la BDESE.

Les informations environnementales à faire figurer sont moins nombreuses, en toute logique, pour les entreprises qui ne sont pas soumises à la déclaration de performance extra-financière.

En tout état de cause, devront figurer par exemple dans la BDESE :

  • l’organisation de la société pour prendre en compte les questions environnementales et, le cas échéant, les démarches d’évaluation ou de certification en matière d’environnement ;
  • la consommation d’eau et d’énergie.

Décret n°2022-678 du 26 avril 2022 relatif aux indicateurs environnementaux devant figurer dans la BDESE et aux formations économiques, sociales, environnementales et syndicales

 

Retraite progressive pour les salariés en forfait jours réduit

La retraite progressive a été étendue aux salariés en forfait annuel en jours par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022. Un décret du 26 avril 2022 en fixe les modalités et s’applique rétroactivement aux pensions de retraite liquidées à titre provisoire à compter du 1er janvier 2022 comme suit :

  • la quotité de travail à temps réduit ne peut être inférieure à 40 % et supérieure à 80 % de la durée de travail maximale exprimée en jours dans l’entreprise ;
  • la fraction de la pension servie est égale à la différence entre 100 % et la quotité de travail à temps réduit par rapport à la durée de travail maximale exprimée en jours dans l’entreprise.

Décret n°2022-677 du 26 avril 2022 relatif à l’extension et aux modalités de service de la retraite progressive

 

Renforcement de l’accès des femmes aux postes dirigeants

L’application de la « loi Rixain » du 24 décembre 2021 visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle est précisée par décret du 26 avril 2022.

Pour rappel, cette loi oblige les entreprises employant au moins 1000 salariés pour le troisième exercice consécutif, à respecter un quota de femmes parmi les cadres dirigeants et instances dirigeantes, d’abord de 30 % à compter du 1er mars 2026 puis de 40 % à compter du 1er mars 2029 sous peine, à terme, d’une sanction financière.

Le décret octroie un délai supplémentaire à ces entreprises : elles ont jusqu’au 1er septembre 2022 pour publier les éventuels écarts de représentation entre les femmes et les hommes parmi les cadres dirigeants et instances dirigeantes qui auraient été constatés pour 2021.

Le décret précise également les nouvelles obligations échelonnées dans le temps de ces entreprises, notamment en définissant les données à prendre en compte pour apprécier les éventuels écarts, ou encore en fixant les modalités de publication et de transmission au ministère du travail, notamment des mesures de correction et des objectifs de progression le cas échéant.

Décret n°2022-680 du 26 avril 2022 relatif aux mesures visant à assurer une répartition équilibrée de chaque sexe parmi les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes

 

JURISPRUDENCE

Victoire du barème Macron sur le contrôle in concreto

Par deux arrêts très attendus du 11 mai 2022, la Cour de cassation met un point final à la saga judiciaire portant sur l’application du barème Macron et l’appréciation portée par les juges du fond sur l’indemnisation du salarié licencié sans cause réelle et sérieuse, en jugeant que :

  • le « barème Macron » (ce qui vise également sa non-application en cas de nullité du licenciement) est de nature à permettre « le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n°158 de l’OIT» ;
  • le juge ne peut donc pas écarter, même au cas par cas, l’application du barème : le contrôle de conventionnalité in concreto est ainsi rejeté ;
  • l’article 24 de la Charte sociale européenne n’ayant pas d’effet direct, il ne peut être invoqué dans les litiges opposant salariés et employeurs.

L’impossibilité consacrée de sortir du barème Macron en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse a et aura un impact fort sur la nature du contentieux prud’homal, avec la recherche de voies de contournement : nullité du licenciement, demandes accessoires (heures supplémentaires, manquements à l’obligation de sécurité, à l’obligation de formation, etc.).

Cass. soc., 11 mai 2022, n°21-15247, FP-B+R ; n°21-14490, FP-B+R

 

La liberté d’expression du salarié face au contrôle de proportionnalité

Un présentateur télé a été licencié pour faute grave après avoir fait une blague sexiste à l’antenne. Son contrat de travail prévoyait une clause qui l’engageait à respecter la charte de la chaîne de télévision en charge de diffuser le programme qui lui imposait de ne pas tenir de propos de haine ou de mépris à raison du sexe et de ne pas valoriser les violences sexistes, quels que soient les médias dans lesquels il apparaîtrait.

Le présentateur a contesté son licenciement au motif de l’atteinte à la liberté d’expression. Le conseil des prud’hommes puis la cour d’appel ont jugé le licenciement justifié.

Par cet arrêt, la Cour de cassation suit la position des juges du fond en contrôlant leur application du principe de proportionnalité analysé notamment au regard des circonstances entourant la « blague » et a ainsi jugé que :

  • les propos reprochés au salarié constituaient une faute du salarié dans l’exécution de son contrat de travail résultant de la méconnaissance de la charte prévue par son contrat.
  • le licenciement de l’animateur ne portait pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression garantie au salarié puisque l’employeur poursuivait un but légitime de lutte contre ce type de comportements, de protection de sa réputation et de ses droits.

Cass. soc., 20 avril 2022, n°20-10852, FS-B

 

PSE : compétences respectives du juge administratif et du juge judiciaire

Depuis la réforme des PSE par la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013, la compétence juridictionnelle en matière de PSE est répartie entre :

  • les juridictions administratives, compétentes pour ce qui relève de l’élaboration et du contenu du PSE et de l’appréciation faite par la DREETS des mesures d’évaluation et de prévention des risques dans ce cadre ;
  • les juridictions judiciaires, compétentes pour ce qui relève de la mise en œuvre de l’accord collectif ou du document unilatéral (mise en œuvre du reclassement, contestation du motif économique etc.).

L’employeur considérait que la compétence du juge judiciaire dans un litige relatif à l’ordre des licenciements portait atteinte à la séparation des pouvoirs et méconnaissait l’autorité de la chose décidée par l’Administration, dans la mesure où le litige portait sur les catégories professionnelles qui relevaient de la compétence de l’Administration et qui avaient été validées par elle.

Logiquement, la Cour de cassation confirme la compétence judiciaire dans la mesure où la contestation ne portait pas sur les catégories professionnelles, ni sur les critères d’ordre et leur pondération mais portait sur la réalité de la suppression d’emplois et l’application par l’employeur des critères d’ordre.

Cass. soc., 20 avril 2022, n°20-20.567, FS-B ; n°20-20.570, FS-B ; n°20-20.571, FS-B

 

Prescription de l’action en réparation du préjudice d’anxiété

Un salarié exposé à l’amiante peut demander à l’Etat la réparation de son préjudice d’anxiété dans un délai de 4 ans courant à compter du moment où il a eu connaissance de l’existence d’un risque élevé de développer une maladie grave du fait de cette exposition.

Le Conseil d’Etat saisi d’une demande d’avis par la Cour administrative d’appel de Marseille portant sur l’application des règles de prescription rappelle que les droits de créance invoqués en vue d’obtenir l’indemnisation d’un préjudice doivent être regardés comme acquis à la date à laquelle la réalité et l’étendue de ce préjudice ont été entièrement révélées.

Appliquant cette décision au préjudice d’anxiété, le Conseil d’Etat précise que le point de départ du délai de prescription est fixé à la date de la publication de l’arrêté ministériel qui inscrit l’établissement du travailleur sur la liste des établissements susceptibles d’ouvrir un droit à l’ACAATA, celle-ci portant à la connaissance du salarié le risque qu’il encourt du fait de son exposition à l’amiante.

CE, 1ère – 4ème chambres réunies, 19 avril 2022, n°457560, publié au recueil Lebon

 

Délai de prescription de l’action en qualification d’un contrat de travail

Pour la première fois, la Cour de cassation se prononce sur le délai pour agir et le point de départ de du délai d’action en reconnaissance de l’existence d’un contrat de travail.

Ainsi, l’action par laquelle une partie demande de qualifier un contrat, dont la nature juridique est indécise ou contestée, de contrat de travail revêt le caractère d’une action personnelle et relève donc de la prescription de droit commun quinquennale (article 2224 du Code civil). La Haute Juridiction écarte ainsi la prescription biennale applicable à toute action portant sur l’exécution du contrat de travail.

La Cour précise par ailleurs que le point de départ de ce délai est la date à laquelle la relation contractuelle dont la qualification est contestée a cessé. La qualification dépendant en effet des conditions dans lesquelles est exercée l’activité, la Cour de cassation estime que, à cette date, le titulaire connaît l’ensemble des faits lui permettant d’exercer son droit.

Cass. soc., 11 mai 2022, n°20-14.421, FS-B

 

Transfert volontaire du contrat de travail : obligations des employeurs successifs

La Cour de cassation confirme que le transfert volontaire du contrat de travail d’une salariée entre deux filiales d’un même groupe n’implique pas, sauf stipulation expresse en ce sens, le transfert au nouvel employeur de l’ensemble des obligations de l’ancien employeur.

En l’espèce, une salariée avait été transférée d’une filiale d’un groupe à une autre et avait formulé diverses demandes à l’encontre de son nouvel employeur, ces demandes étant cependant fondées sur des manquements imputables à son ancien employeur.

Selon la Cour, les obligations de l’ancien employeur n’ayant pas été transférées au nouvel employeur, la demande de la salariée est irrecevable. En effet, la convention tripartite de transfert prévoyait la poursuite du contrat de travail au sein d’une autre société du groupe, le maintien de l’ancienneté, de la même qualification et du salaire, des droits acquis au titre des congés payés et du DIF, mais elle ne prévoyait pas la reprise par le nouvel employer des obligations de l’ancien employeur.

Cass. soc., 23 mars 2022, n°20-21.518, FS-B

 

Contrôle administratif en cas de licenciement d’un salarié protégé en raison de son signalement

Dans cette affaire, un salarié protégé a signalé à son employeur des faits commis par certains salariés, susceptibles de la qualification d’abus de biens sociaux et de détournement de fonds, signalement diffusé largement auprès notamment de l’administration. Considérant ces accusations sans fondement et mettant en cause la probité des salariés accusés, l’employeur a demandé à l’inspection du travail l’autorisation de procéder au licenciement de ce salarié pour faute en raison de ce signalement.

Le licenciement ayant été autorisé par le Ministre du travail et les recours du salarié rejetés, le Conseil d’Etat est amené à se prononcer sur la protection prévue à l’article L.1132-3-3 du Code du travail qui interdit toute sanction à l’encontre d’un salarié « pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont elle aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions ».

Le Conseil d’Etat précise le contrôle que doit opérer l’inspection du travail saisie d’une demande d’autorisation de licenciement. Si :

  • les faits dénoncés sont susceptibles de recevoir une qualification de crime ou de délit,
  • le salarié a eu connaissance de ces faits dans l’exercice de ses fonctions,
  • le salarié peut être regardé comme ayant agi de bonne foi,

=> l’autorité administrative doit refuser d’autoriser ce licenciement.

CE., 27 avril 2022, n°437735, publié au recueil Lebon

 

Sanction du non-respect de la procédure disciplinaire conventionnelle

Une société, saisie de faits reprochés à l’un de ses salariés, engage une procédure disciplinaire à son encontre. Le salarié est convoqué devant le conseil de discipline, puis licencié pour faute.

Il conteste son licenciement devant le conseil de prud’hommes pour non-respect de la procédure conventionnelle de licenciement.

La Cour de cassation relève que la procédure disciplinaire conventionnelle n’a pas été respectée.

En effet, les dispositions applicables prévoient que lorsque la sanction la plus sévère n’a pas recueilli la majorité absolue des voix exprimées, il convient de retenir la sanction la moins sévère. Cette règle n’avait pas été respectée en l’espèce et le salarié avait été licencié.

Dès lors, le licenciement intervenu devait être considéré comme sans cause réelle et sérieuse puisque l’irrégularité dans la procédure de licenciement ne peut avoir pour conséquence, à elle seule, la nullité du licenciement.

Cass. soc., 6 avril 2022, n°19.25-244 F-B

 

Obligation de consultation du CSE en cas de normes imposées à l’employeur

Dans cette affaire, la société avait été contrainte de modifier les conditions d’exécution de certains travaux par ses salariés, à la suite de nouvelles dispositions réglementaires établies par des commissions d’experts et s’imposant aux différents opérateurs d’électricité, dont fait partie la société.

Le CSE central de la société avait agi en justice afin de faire ordonner la mise en œuvre d’une procédure de consultation. La société quant à elle invoquait le fait que toute consultation doit revêtir un effet utile et ne peut donc concerner qu’un projet, une mesure envisagée ou une décision de l’employeur, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

La Cour de cassation donne raison au CSE central, au motif que la mise en œuvre des nouvelles conditions d’exécution des travaux était de nature à affecter les conditions d’emploi, de travail et de formation professionnelle au sein de l’entreprise et devait par conséquent faire l’objet d’une information-consultation du CSEC, « peu important que leur mise en œuvre soit imposée à l’employeur et ne résulte pas d’une décision unilatérale de sa part ».

Cass. soc., 21 avril 2022, n°20-19.063 F-D

 

PSE faisant suite à un accord de rupture conventionnelle collective

Face aux difficultés financières qu’a connu le secteur aérien en raison de l’épidémie de Covid-19, la société ADP a conclu un accord de rupture conventionnelle collective (RCC) le 9 décembre 2020, excluant tout licenciement économique « se traduisant par des départs avant le 1er janvier 2022 ».

Un mois après, un projet de réorganisation et d’adaptation des contrats de travail est présenté au CSE, ouvrant des négociations relatives à un PSE. Suite à l’échec de ces négociations, un document unilatéral est établi et homologué, prévoyant qu’aucun licenciement économique n’interviendra pendant la période de garantie d’emploi fixée par l’accord de RCC, donc avant janvier 2022.

Cette décision d’homologation est contestée par deux syndicats aux motifs notamment de la déloyauté de l’entreprise (PSE présenté un mois après la signature d’un accord de RCC) et de l’illégalité de la succession de la RCC et du PSE.

La cour administrative d’appel de Paris écarte ces arguments, estimant d’une part que le contrôle de l’administration ne porte pas sur les conditions des négociations distinctes de l’élaboration du PSE et d’autre part que la signature d’un accord de RCC ne fait pas obstacle à la mise en place d’un PSE dès lors que le PSE respecte les stipulations de l’accord de RCC qui lui sont applicables.

En l’occurrence, le PSE qui ne prévoyait des licenciements qu’à compter du 15 janvier 2022 respectait bien les stipulations de l’accord de RCC excluant tout licenciement au cours de l’année 2021.

CAA Paris, 8ème chambre, 14 mars 2022 n°21PA06607