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Smart Alert Covid-19 | Contentieux | Vademecum des pratiques de procédure pénale

Ce Vademecum fait un tour d’horizon synthétique des nouvelles règles du jeu susceptibles d’intéresser les entreprises et/ou leurs dirigeants confrontés à des problématiques pénales, en qualité de victime d’infraction ou de mis en cause. Ces mesures transitoires sont applicables jusqu’au 24 juin 2020 (sauf prolongation de l’état d’urgence sanitaire déclaré à ce jour jusqu’au 24 mai).

Ce vademecum tient compte de la loi d’urgence n°2020-290 du 23 mars 2020 pour faire face à l’épidémie de covid-19 qui a instauré un « état d’urgence sanitaire » pour une durée de deux mois et en conséquence a habilité le gouvernement à modifier le droit par ordonnances. Il décrypte aussi l’ordonnance n°2020-303 du 25 mars 202 publiée ce jeudi 26 mars (JORF n°0074) « portant adaptation des règles de procédure pénale » afin de permettre la continuité de l’activité des juridictions pénales essentielle au maintien de l’ordre public.

En effet, les mesures prises, notamment le confinement de plusieurs semaines, réduisent a minima l’activité judiciaire de l’ensemble de la chaine pénale (qui s’étend des services de police jusqu’aux juridictions). Son activité est ainsi recentrée sur les « contentieux essentiels » au maintien de l’ordre public et sur ceux engendrés par cette situation exceptionnelle (non-respect des mesures de prévention, violences familiales, demande accrue de remise en liberté des détenus, vol et trafic de masques/SHA, mise en danger délibérée d’autrui, …).

Des mesures d’adaptation de l’activité judiciaire pénale sont donc prises en ce qui concerne la tenue des audiences (1), les délais de procédure (2), les enquêtes de police et les nouvelles infractions (3) et le dépôt de plainte (4).

1 – Les audiences pénales sont reportées sauf contentieux essentiels 

Depuis le lundi 16 mars, les juridictions sont fermées, seuls sont maintenus les services assurant le traitement des « contentieux essentiels ». Il s’agit principalement des audiences statuant sur la détention ou sur les mesures de contrôle judiciaire. Les atteintes graves à l’ordre public qui exigent une réponse immédiate sont également maintenues (comparutions immédiates, …).

Toutes les autres audiences pénales sont reportées. Des dispositions seront prises pour assurer l’information des justiciables et des avocats sur ces reports. La Cour d’appel de Paris a ainsi déjà indiqué que les dossiers reportés feraient l’objet d’une nouvelle citation à compter du 28 septembre 2020.

L’ordonnance n°2020-303 du 25 mars 2020 « portant adaptation des règles applicables devant les juridictions pénales » a pour objet d’adapter provisoirement leur fonctionnement à cette situation inédite: allègement du formalisme, audience à juge unique, publicité restreinte, recours à la visio-conférence sans même l’accord des parties, utilisation du téléphone à défaut, possibilité de recourir à la LRAR ou au courriel dans certains cas, possibilité pour une juridiction d’être désignée à la place d’une juridiction territorialement compétente mais dans l’incapacité de fonctionner…

2 – Les délais de procédures sont aménagés

La loi d’urgence n°2020-290 du 23 mars 2020 dispose que les délais de procédure pourront être interrompus ou suspendus à partir d’une date fixée rétroactivement au 12 mars 2020 (date de l’allocution présidentielle annonçant la fermeture de tous les établissements scolaires pour lutter contre l’épidémie).

Ainsi, l’article 11.II de la loi habilite le gouvernement à prendre par ordonnances dans un délai de trois mois toute mesure « adaptant, interrompant, suspendant ou reportant le terme des délais prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, déchéance d’un droit, fin d’un agrément ou d’une autorisation ou cessation d’une mesure, à l’exception des mesures privatives de liberté et des sanctions. Ces mesures sont rendues applicables à compter du 12 mars 2020 et ne peuvent excéder de plus de trois mois la fin des mesures de police administrative prises par le Gouvernement pour ralentir la propagation de l’épidémie de covid‑19 ».

L’article 3 de l’ordonnance n°2020-303 du 25 mars 2020 « portant adaptation des règles applicables devant les juridictions pénales » prévoit la suspension des délais de prescription de l’action publique et de la peine à compter du 12 mars 2020.

Son article 4 prévoit le doublement des délais pour exercer des voies de recours (10 jours a minima).

Un projet de loi de ratification devra être déposé au Parlement dans les deux mois suivant sa publication ce 26 mars 2020 (article 11.III de la Loi d’urgence).

3 – Les enquêtes pénales et les infractions nouvelles 

Une circulaire du ministère de la justice en date du 14 mars 2020 précise les mesures relatives à la poursuite des enquêtes. Il est ainsi demandé aux procureurs de traiter en priorité les enquêtes « présentant un fort enjeu en termes d’ordre public et nécessitant une réponse judiciaire immédiate ».

La circulaire préconise également de limiter les interpellations aux procédures présentant un degré d’urgence ou de gravité justifiant un traitement diligent, à l’image des violences familiales pouvant s’accroitre avec ledit confinement ou du non-respect des règles nouvelles qui encadrent cette situation (notamment le décret n°2020-293 du 23 mars 2020).

Les mesures d’enquêtes pénales sont également adaptées à la situation sanitaire : une mesure de garde à vue sera évidemment incompatible avec la présence de symptômes liés au Covid-19. L’intervention de l’avocat devrait pouvoir se faire à distance. Les déplacements liés à une convocation par les services enquêteurs ou par les juridictions figurent bien désormais parmi les motifs de déplacement autorisés. A noter, les policiers et agents municipaux disposent désormais de la compétence pour constater et réprimer ces contraventions.

De nouvelles infractions ont été définies pour tenir compte de la situation. Ainsi, l’amende contraventionnelle pour violation des règles de confinement a été portée à 135 euros (majorée à 375 euros en cas de non-paiement dans les 45 jours) et à 1.500 euros en cas de récidive dans les 15 jours. Un délit, spécialement créé, réprime la violation répétée – plus de 3 fois en 30 jours – par une peine pouvant aller jusqu’à 6 mois d’emprisonnement et 3.750 euros d’amende (article L. 3136-1 du Code de la santé publique modifié par l’article 2 de la loi d’urgence).

La loi n°2020-290 du 23 mars 2020 a également créé un nouvel article L.3131-15 au sein du code de la santé publique qui autorise le Premier Ministre par décret réglementaire à « ordonner la réquisition de tous biens et services nécessaires à la lutte contre la catastrophe sanitaire ainsi que de toute personne nécessaire au fonctionnement de ces services ou à l’usage de ces biens » et dont le non-respect est puni d’une peine de 6 mois d’emprisonnement et de 10.000 euros d’amende.

La justice a déjà pu se saisir de la violation des règles de confinement par des individus sur le fondement de la mise en danger délibérée d’autrui (article 223-1 du Code pénal) : des gardes à vue auraient été réalisées et des condamnations à des peines de prison ferme prononcées à l’encontre de multirécidivistes.

Trois conditions sont nécessaires pour caractériser le délit de mise en danger délibéré : la violation d’une obligation particulière de prudence prévue par la loi ou le règlement, un lien de causalité direct et certain entre la violation de cette obligation et l’exposition d’autrui à un risque immédiat de mort ou de mutilation permanente. Un débat ne manquera pas de s’instaurer sur le plan juridique et scientifique.

Les infractions spécialement adoptées de violation des règles de confinement devraient faciliter le travail des forces de l’ordre.

4 – Le dépôt de plainte

En principe, les policiers ou gendarmes sont tenus de recevoir les plaintes déposées par les victimes d’infractions.

Toutefois, dans le contexte actuel, les services de la police nationale et de la gendarmerie préconisent de privilégier le système de la pré-plainte en ligne, prévue par l’article 15-3-1 du Code de procédure pénale. La pré-plainte en ligne se fait à partir du site internet :  www.pre-plainte-en-ligne.gouv.fr. La pré-plainte en ligne est en revanche limitée à certaines infractions pour lesquelles l’auteur n’est pas connu : les atteintes aux biens (vols, dégradation, escroqueries…) ; les faits discriminatoires (discrimination, diffamation, injure, provocation individuelle à la haine). Le plaignant est ensuite convoqué par les enquêteurs pour signer son dépôt de plainte, à l’issue de la période de confinement, sauf urgence particulière préalablement exposée.

Il est également possible de déposer plainte directement entre les mains du procureur de la République, pour toutes les infractions, par l’envoi d’un courrier dénonçant les faits, au Tribunal judiciaire du lieu de commission de l’infraction ou du domicile de l’auteur de l’infraction.

En pratique, le traitement de la plainte attendra la fin de la période de confinement et le retour à une activité normale du service public de la justice… Autrement dit, il est préférable pour les victimes qui le peuvent d’attendre pour déposer plainte et pour saisir la justice pénale dont tous les acteurs sont mobilisés pour maintenir l’ordre public dans le contexte d’état d’urgence sanitaire.