Smart News | Droit de la construction et de l’urbanisme
Paul Vazeux
Hélène CloëzAssociéParisHélène Cloëz
Aurélie DaugerAssociéParisAurélie Dauger
Louis MorvanCollaborateurParisLouis Morvan
Victor SienackCollaborateurParisVictor Sienack
Aurélie Dauger et Hélène Cloëz vous proposent de retrouver régulièrement une sélection de l’actualité légale et jurisprudentielle en droit de la construction et de l’urbanisme.
Droit de la construction
Du nouveau sur l’article 1793 du Code civil prime sur la norme NF P 03-001
Cass., civ. 3ème, 18 mars 2021, n°20-12.596
La Cour de Cassation précise que l’acceptation tacite du projet de décompte final prévu par l’article 19.6.2 de la norme Afnor NFP 03-001 ne peut porter que sur le montant de « prestations entrées dans le champ contractuel ».
Les travaux supplémentaires non validés par le maître d’ouvrage conformément à l’article 1793 du Code civil ne peuvent en conséquence être tacitement acceptés.
La Cour de Cassation apporte une précision bienvenue sur la primauté de l’article 1793 du Code civil sur la norme Afnor P 03-001 mise à mal dans un précédent arrêt du 3 décembre 2020 (n° 19-25.392 – voir notre brochure d’actualité immobilière 2020).
Ce que cela implique
Cette décision réduit les risques financiers auxquels s’expose un maître d’ouvrage qui laisserait s’écouler les délais prévus par la norme Afnor P 03-001 pour la contestation du projet de décompte final de l’entreprise.
Du nouveau sur l’action quasi-délictuelle du sous-traitant
Cass., civ. 3ème, 15 avril 2021, n°19-20.424
La Cour de Cassation précise les conditions d’application de l’article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, qui dispose que la responsabilité quasi-délictuelle du maître d’ouvrage est retenue dès lors que, s’il a connaissance d’un sous-traitant non présenté sur le chantier, il n’a pas mis en demeure l’entreprise de le faire accepter et agréer ses conditions de paiement.
L’apport de cet arrêt de censure réside dans le fait que dans le cadre d’un CPI, la connaissance de la présence d’un sous-traitant du promoteur ne se confond pas avec la connaissance qu’en a le maître d’ouvrage.
Bref, la connaissance du sous-traitant doit être personnelle.
Du nouveau sur les DO et désordres réservés
Cass., civ. 3ème, 1er avril 2021, n°19-16.179
La Cour de Cassation rappelle que l’assurance dommages-ouvrage a vocation à garantir les désordres survenus pendant l’année de parfait achèvement lorsque, après mise en demeure restée infructueuse, l’entrepreneur n’a pas exécuté ses obligations.
Ainsi, constitue une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle le fait pour un assistant à maîtrise d’ouvrage de refuser de prononcer la réception d’un immeuble au motif de trop nombreuses réserves car cela prive le maître d’ouvrage de la possibilité de mobiliser les garanties dommages-ouvrage pour les désordres survenus dans l’année de parfait achèvement.
Ce que cela implique
Il est dans l’intérêt du maître d’ouvrage de réceptionner avec réserves plutôt que de refuser la réception afin de déclencher les garanties dommages-ouvrage.
Droit de l’urbanisme
Du nouveau sur la loi Climat et résilience
La loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « loi Climat et résilience », a été officiellement promulguée, et le texte publié au Journal officiel le 24 août.
Si plusieurs mesures sont relatives à l’urbanisme, deux mesures phares peuvent néanmoins se distinguer.
► D’une part, l’objectif « zéro artificialisation nette », qui s’inscrit dans le cadre de la lutte contre l’artificialisation des sols, fait son entrée dans le Code de l’urbanisme.
L’artificialisation y est d’ailleurs définie comme « l’altération de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que son potentiel agronomique par son occupation ou son usage ».
Pour lutter contre cette artificialisation des sols, sont désormais par principe interdites les délivrances d’autorisations d’exploitation commerciale pour les projet entraînant une artificialisation des sols.
De même, les collectivités ne pourront prévoir dans les PLU, l’ouverture à l’urbanisation de sols naturels, agricoles ou forestiers, qu’en justifiant de l’absence de parcelle disponible dans les espaces urbanisés.
Un décret en Conseil d’Etat précisera cette notion et établira notamment une nomenclature des sols artificialisés ainsi que l’échelle à laquelle l’artificialisation des sols doit être appréciée.
►D’autre part, la réversibilité des bâtiments est favorisée par la réalisation, en amont des travaux de construction ou de démolition d’un bâtiment, d’études évaluant le potentiel de changement de destination et d’évolution de ce dernier, y compris par sa surélévation.
La loi prévoit que la personne chargée de mener à bien cette étude remettra au maître d’ouvrage un document attestant de sa réalisation.
Cette attestation devra alors être transmise aux services de l’Etat compétents avant le dépôt de la demande de permis de construire.
Toutefois, il ne ressort pas des termes de la loi que l’étude en elle-même ou l’attestation de sa réalisation constitueront des pièces nécessaires à l’obtention du permis de construire. Ces documents n’auraient donc pas à être joints à la demande de permis de construire.
Un décret en Conseil d’Etat est attendu et déterminera les conditions d’application de cette mesure et notamment les catégories de bâtiments concernés, le contenu de l’étude et de l’attestation ainsi que la compétence des personnes chargées de la réalisation de l’étude.
Du nouveau sur le fractionnement des projets uniques
CAA Paris, 1ère, 23 juin 2021, n°20PA02347
Lorsque plusieurs projets forment un « projet unique », susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine, pour l’application du 1° du I de l’article L. 122-1 du code de l’environnement, celui-ci doit être appréhendé dans son ensemble dans le cadre de l’étude d’impact, afin que ses incidences sur l’environnement soient évaluées dans leur globalité.
Dans cet arrêt du 23 juin 2021, la Cour administrative d’appel de Paris reprend la solution dégagée par le Conseil d’Etat du 1er février 2021, société Le Castellet-Faremberts, n° 429790, selon laquelle pour qualifier des projets de « projet unique » nécessitant une étude d’impact globale, il ne convient pas de rechercher si des indices permettent de déceler une unicité de projet, mais à l’inverse, il convient de rechercher si un projet unique a été artificiellement fractionné.
Ainsi, lorsque des projets, même s’ils sont liés, poursuivent des finalités propres et auraient pu être mis en œuvre de manière indépendante, ils ne forment pas un « projet unique ».
Il s’agissait en l’espèce des projets de franchissement urbain Pleyel et de la création de la station Saint-Denis Pleyel. La Cour a considéré que les deux projets, bien que liés géographiquement et fonctionnellement – le franchissement urbain Pleyel permettant d’accéder à cette station et d’assurer une interconnexion avec la gare du RER D Stade de France Saint-Denis – ne poursuivent pas les mêmes finalités. La station Saint-Denis Pleyel participe en effet du projet de développement du réseau de transport public en Ile-de-France, tandis que l’objet principal du franchissement urbain Pleyel est de relier deux quartiers de la ville de Saint-Denis, l’interconnexion entre la gare de RER D Stade de France Saint-Denis et la future station de métro Saint-Denis Pleyel n’étant qu’une fonction secondaire.