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La Cour de cassation bouleverse l’avenir de la responsabilité pénale des sociétés absorbantes et précise pour la première fois la notion de fraude en la matière et ses lourdes conséquences

En opérant un retentissant revirement de jurisprudence, la Cour de cassation juge qu’une société absorbante peut désormais être pénalement condamnée à une peine d’amende ou de confiscation pour des infractions commises, avant une fusion, par une autre société absorbée (Cass. Crim. 25 novembre 2020, n°18-86.955).

Jusqu’à présent, la Cour de cassation refusait tout transfert de responsabilité pénale entre sociétés lors d’une fusion absorption, la société absorbante ne pouvant être poursuivie et condamnée pour des faits commis antérieurement par la société absorbée, dissoute par l’effet de la fusion (Cass. crim., 20 juin 2000, n°99-86.742). Bien que contraire à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 5 mars 2015, C-343/13), la Cour de cassation a maintenu sa jurisprudence en veillant à la stricte application de l’article 121-1 du Code pénal qui dispose que « nul n’est responsable pénalement que de son propre fait » (Cass. crim., 25 oct. 2016, n°16-80.366).

S’appuyant sur une décision récente de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH, 1er oct. 2019, n°37858/14), la chambre criminelle n’assimile plus la dissolution d’une société au décès d’une personne physique, soulignant que l’activité économique se poursuit au sein de la société absorbante, la fusion absorption ne faisant plus obstacle au transfert de la responsabilité pénale.

En l’absence de fraude, ce transfert de responsabilité pénale – assez révolutionnaire au regard du Code pénal – est limité par les directives (CEE) 78/855 et (UE) 2017/1132 :

  • aux sociétés anonymes (SA et SAS) ;
  • aux opérations impliquant un transfert de l’ensemble du patrimoine actif et passif ;
  • aux opérations de fusions réalisées postérieurement au 25 novembre 2020 ;

Le patrimoine étant transféré, la société absorbante pourra être condamnée mais exclusivement à des peines patrimoniales (amende ou confiscation). En corolaire, les droits de la défense sont transférés à la société absorbante qui aura donc les mêmes droits que la société absorbée.

La Cour de cassation fait ainsi converger sa jurisprudence avec celle précitée des juridictions européennes et des autres juridictions nationales (Cons. const., 18 mai 2016, n°2016-542Cons. Etat, 22 novembre 2000, n°207697).

Pour les fusions réalisées antérieurement à cet arrêt, la société absorbante reste irresponsable pénalement des infractions commises par la société absorbée, sauf cas de fraude.

En effet, pour la première fois, la cour de cassation précise que si l’opération de fusion-absorption a eu pour objectif d’échapper à la responsabilité pénale, la société absorbante pourra être pénalement condamnée :

  • quelle que soit sa forme sociale ;
  • quelle que soit la date de la fusion-absorption (donc même antérieure au 25 novembre 2020);
  • à toutes les peines existantes (et pas seulement patrimoniale pénale).

En cas de fraude, cette exception s’applique immédiatement.

Pour le passé, il faudra pouvoir démontrer en justice, si des poursuites sont exercées, que la fusion n’avait pas « pour objectif de faire échapper la société absorbée à sa responsabilité pénale » mais répondait à d’autres considérations. Il faudra donc veiller sur les archives afin d’éviter qu’elles ne partent en fumée comme dans l’affaire soumise à la Cour de cassation (la destruction d’entrepôts par l’effet d’un incendie involontaire par manquement à une obligation de sécurité).

Pour l’avenir, une fusion impliquant désormais un transfert de la responsabilité pénale, dans un contexte de pénalisation croissant et d’allongement de la prescription pénale (loi n°2017-242 du 27 février 2017), il est nécessaire de renforcer l’audit du risque pénal lors des dues diligences et de prévoir dans la mesure du possible des clauses de garantie adaptées à la cartographie des risques.

Nous sommes à votre disposition pour plus d’informations ou pour vous assister.

Alexandre de Konn
Avocat associé | Spécialiste en droit pénal

Clément Bossard
Avocat